Dar-el-Kouti, cet ancien sultanat aux racines des revendications du nord de la Centrafrique
La majorité des revendications des populations des régions du nord de la Centrafrique, enclavées et peu développées, prennent leurs racines dans l’histoire du sultanat du Dar-el-Kouti de Mohammed Senoussi, à la fin du XIXè siècle, dont elles se réclament héritières.
Senoussi était l’adjoint d’un influent marchand d’esclaves devenu sultan, Rabah, installé dans l’actuel Etat du Borno, au Nigeria, dans la région d’implantation du groupe jihadiste Boko Haram.
Il se sépare, dans les années 1880, de Rabah et s’installe à Ndélé, dans l’actuelle RCA, ville située à environ 600 km au nord de Bangui, où il prend le contrôle de cette région d’affrontements et d’insécurité généralisée. En 1890, il prend la tête du sultanat du Dar-el-Kouti.
Entre le Soudan et le Tchad, el-Kouti est une localité du nord-est de la République centrafricaine, dans la région de Ndélé. Le nom Dar-el-Kouti vient du mot arabe signifiant « pays » et de kouti, qui désigne une forêt en langue locale runga.
« Fondé au XVIIIe siècle, le sultanat du Dar-El-Kouti fut porté à son apogée politique et économique par Mohamed Senoussi », explique Bernard Simiti dans son livre référence « Le Dar-el-Kouti : empire oubanguien de Senoussi : 1890-1911 ».
Senoussi y régnait en maître et pratiquait la traite des esclaves à grande échelle vers l’Afrique du Nord, qu’il chassait parmi les populations autochtones dans toute la région de Ndélé et au-delà.
Ndélé était alors une ville de commerçants où accouraient les aventuriers en tout genre depuis les régions et royaumes voisins du Sila, de Sokoto, du Fezzan, du Ouaddaï et de Kano.
En 1891, le sultan massacre la mission de l’explorateur français Paul Crampel, un ancien secrétaire particulier de Pierre Savorgnan de Brazza, alors qu’il tentait de relier le bassin de l’Oubangui (l’actuelle RCA) à celui du Chari (le Tchad).
A la fin du XIXè, de nombreux explorateurs français: Léon de Poumayrac, Alfred Fourneau… meurent ou échouent dans cette région, embarquées dans de périlleuses expéditions vers le lac Tchad.
Un seul réussit, en 1897: Emile Gentil, qui deviendra plus tard commissaire général du gouvernement au Congo français. La même année, il signe la naissance d’un protectorat français avec le sultan Senoussi.
Les troupes coloniales françaises tuent pourtant en 1911 le sultan Senoussi à Ndélé. Le Tata, son ancien palais fortifié, occupe une plate-forme au dessus de la colline surplombant la ville de Ndélé et se visite encore. Il a été soumis en 2006 par la RCA à l’Unesco pour être désigné « patrimoine mondial » de l’humanité.
« Nous étions là bien avant les Centrafricains de Bangui », déclare aujourd’hui à Birao un haut gradé du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), groupe armé qui se réclame du sultanat d’antan pour asseoir sa légitimité dans le nord.
Son chef, Noureddine Adam, longtemps défenseur d’une sécession du nord et d’un retour au Dar-el-Kouti, aime à montrer à ses visiteurs une photo noircie par le temps du sultan Mohammed Senoussi.
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