Dans les Alpes françaises, élan de solidarité envers les migrants en danger de mort (vidéo)
« Bientôt, on va retrouver un mort. » Jean-Gabriel Ravary, guide de haute montagne depuis 42 ans, habite Névache, village du bout de la vallée de la Clarée dans les Alpes françaises, où de plus en plus de migrants font naufrage dans la neige et le froid.
En décembre dernier, dans ce paradis blanc parfois coupé du monde, plus d’un mètre de neige était tombé. « Y’a tout le catalogue des dangers pour qu’il y ait des drames. Alors pour des gens qui ne connaissent pas la montagne… », soupire Jean-Gabriel, chaudement emmitouflé. Le guide regarde en direction du col de l’Echelle, ce passage à 1.762 mètres d’altitude, à quelques kilomètres de la frontière italienne. Les températures y descendent souvent à moins 20°C, sans compter le vent qui s’y engouffre.
Le versant italien, qu’empruntent les migrants – surtout des Africains, « jeunes et costauds » – est avalancheux, et sujet aux chutes de pierres. Côté français, l’hypothermie guette, sans compter le risque de se perdre, car les panneaux indicateurs ont été retirés et certains s’égarent vers le fond de la vallée, croyant gagner Briançon, ville de 12.000 habitants, la plus haute de France, située à 1.326 mètres d’altitude. D’autres exilés tentent le passage plus simple par la route et le col du Montgenèvre mais les patrouilles incessantes de gendarmes les poussent à se cacher.
« Cet hiver, on a parfois jusqu’à 10 ou 12 arrivées par jour », explique Alain Mouchet, qui organise les maraudes nocturnes quotidiennes avec des bénévoles équipés de matériel de secours. « Les gendarmes sont autant emmerdés que nous: ils ne se sont pas engagés pour courir derrière des gamins dans la neige. »
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« Réponse assassine de l’Etat »
L’arrivée des migrants, toujours plus nombreux depuis l’hiver dernier, a suscité un élan chez certains citoyens: les communes autour de Briançon comptent 22.000 habitants et la liste de diffusion de l’association locale « Tous Migrants » dispose de 1.350 adresses. Environ 4.000 nuitées ont été assurées depuis moins d’un an chez les citoyens, selon le réseau d’hospitalité « Welcome ».
Pierre Mumber en fait partie. « Quand j’entendais parler des naufrages en Méditerranée, ça me semblait encore loin. Et là, ils sont arrivés chez nous. » Pour cet accompagnateur en montagne de 53 ans, « on ne peut pas dormir tranquille sachant qu’au bout de la route il y a peut-être des gens en perdition ». Comme ses collègues, il dénonce la « réponse assassine » de l’Etat à la frontière. Un médecin du centre hospitalier de Briançon appelle « les forces de l’ordre à se mettre en retrait pour ne pas aggraver des choses assez graves déjà. »
« Je ne suis pas un anarchiste (…) mais il faut être capable de désobéir », insiste Max Duez, membre de la cellule médicale créée depuis l’afflux de migrants. Cette permanence d’accès aux soins de santé (PASS), ouverte avec l’accord de l’Agence régionale de santé au sein de l’hôpital, bénéficie aussi aux SDF de la ville et aux saisonniers. « Et c’est grâce aux migrants », souligne le Dr Duez.
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