Dans le camp de la mort de Dachau, Merkel appelle à lutter contre l’antisémitisme
Devant les derniers déportés encore en vie, la chancelière allemande Angela Merkel a appelé dimanche « à ne jamais fermer les yeux » devant l’antisémitisme, à l’occasion d’une commémoration émouvante du 70e anniversaire de la libération du camp de concentration de Dachau (sud de l’Allemagne). Une délégation belge, emmenée par le président de la Chambre Siegfried Bracke et la présidente du Sénat Christine Defraigne, était également présente.
« Nous avons le devoir de ne jamais fermer les yeux ou les oreilles face à ceux qui injurient, menacent ou agressent ceux qui disent qu’ils sont juifs ou défendent Israël », a lancé la dirigeante, devant plusieurs centaines de rescapés, vétérans américains et personnalités politiques, réunis dans le camp de Dachau, à 17 km au nord-ouest de Munich.
Evoquant le « grand honneur » de retrouver des survivants de la barbarie nazie, Angela Merkel, née neuf ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, a également martelé que le judaïsme était « une partie de notre identité ».
Durant ces 12 mois de cérémonies marquant la fin du joug nazi, c’est la seule fois où la dirigeante participe à une cérémonie dans un des camps qui ont notamment vu six millions de Juifs exterminés dans la plus grande tentative d’élimination d’un peuple de l’Histoire.
En raison du grand âge des rescapés, c’est également l’une des dernières occasions où la chancelière, en tant que représentante du gouvernement allemand, et les témoins encore en vie se retrouvent dans ce lieu de mémoire où périrent 43.000 personnes dans une horreur indicible.
Arrivée sous des trombes d’eau, Angela Merkel, en imperméable bleu marine, le visage fermé, a déposé une gerbe de fleurs devant l’ancien crématorium, avec un ancien déporté français, Clément Quentin. M. Quentin, âgé de 94 ans, avait raconté qu’il « attendait de crever » quand le 29 avril 1945 les soldats américains étaient venu libérer le camp.
« Aux morts! « , a ensuite lancé l’un des responsables du Comité international de Dachau, qui regroupe des rescapés, avant que la foule ne se recueille longuement, près du four crématoire de ce camp, le premier créé par le régime nazi, en 1933.
Dans un silence étourdissant uniquement interrompu par les cloches des chapelles du camp, la foule mêlant rescapés, dont certains en chaise roulante, d’autres portant le foulard des déportés, et anciens combattants américains, a effectué à pied et sous la pluie le chemin vers la Place d’appel.
Une délégation belge, emmenée par le président de la Chambre Siegfried Bracke et la présidente du Sénat Christine Defraigne, participait également aux commémorations. On pouvait également reconnaître le ministre-président flamand Geert Bourgeois et le ministre d’Etat Patrick Dewael ainsi que plusieurs parlementaires. Dix élèves de l’athénée royal de St-Ghislain (Hainaut) et dix autres de l’athénée de Furnes (Flandre occidentale) les accompagnaient la délégation. Une gerbe a été déposée par les autorités belges.
Le camp de concentration de Dachau a été libéré le 29 avril 1945 par les troupes américaines. A l’issue de la cérémonie officielle, la délégation pourra visiter le camp, le premier construit par le régime nazi, où plus de 40.000 personnes ont péri. Trois quarts des détenus du camp de Dachau étaient des résistants et des opposants au régime nazi.
Quand les Américains ont libéré le camp, « je me suis senti redevenir un être humain », a raconté un autre rescapé français, Jean Samuel, dans un vibrant témoignage, devant des centaines d’invités du monde entier.
Les Américains « n’en croyaient pas leurs yeux devant les monceaux de cadavres » qu’ils ont découverts à leur arrivée dans cette usine de la mort, a-t-il ajouté. « J’avais 21 ans, la guerre m’avait volé ma jeunesse », a-t-il poursuivi, évoquant ensuite ses années de silence avant finalement de commencer à témoigner de son calvaire à l’âge de la retraite.
A l’heure où de nombreux survivants sont déjà morts, le président du Conseil central des juifs d’Allemagne, Josef Schuster, a invité à garder intacte la mémoire de la Shoah. Avec le temps, « la distance grandit, l’empathie diminue », a-t-il insisté. S’adressant à la jeunesse, il a lancé: « Vous n’êtes pas fautifs mais vous portez la responsabilité » de ne pas oublier l’horreur des camps.
A l’entrée du camp, la porte en fer forgé vient rappeler le cynisme des nazis avec son inscription « Arbeit macht frei » (« Le travail rend libre »). Ce portail a été dérobé durant une nuit de novembre par des inconnus. Une copie a été inaugurée jeudi.
Ouvert initialement pour y interner les prisonniers politiques, Dachau a servi de modèle d’organisation pour les autres camps de la mort, de Treblinka à Buchenwald.
Le 29 avril 1945, il avait été libéré par les Américains. Les images d’archives de l’époque montrant notamment les survivants hagards, malades et amaigris, restent insoutenables.
Dans cette paisible cité verdoyante de Bavière, le camp, ouvert le 22 mars 1933 — moins de deux mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir — fut installé tout d’abord dans une usine de munitions à l’abandon, avant la construction d’un grand complexe de bâtiments à partir de 1937.
Plus de 206.000 prisonniers venus d’une trentaine de pays y ont été détenus.