Ces enfants entraînés par l’État islamique
La jeunesse, c’est l’avenir. Une chose que l’État islamique ne sait que trop bien. Depuis qu’ils ont érigé leur khalifat, les djihadistes élèvent une toute nouvelle génération de combattants. Ils leur apprennent à massacrer les incroyants de la manière la plus effrayante possible. « Ils viendront tous en Europe, il faut que vous vous y prépariez »
Salem* (11 ans) et son frère Halit* (8 ans) viennent de Deir ez-Zor, non loin de Raqqa, la capitale autoproclamée de L’État Islamique. Les deux ont suivi un entraînement militaire auprès de l’EI. Salem est resté deux mois dans un camp et son plus jeune frère plus d’un an, mais seulement la journée. Lui pouvait rentrer le soir.
Accompagnés de membres de leur famille, ils ont réussi à fuir la Syrie il y a quelque mois. Leurs parents, et autres frères et soeurs, sont restés coincés là-bas. Les deux garçons vivent désormais chez leur oncle en Turquie.
Nous les rencontrons dans un hôtel. Ils ne sont pas du tout timides et se jettent avidement sur un coca. Salem ne va plus à l’école depuis la révolution. Halit, bien, mais uniquement parce qu’il n’avait pas encore commencé l’école lorsque la guerre a éclaté. Leur oncle, qui est présent lors de l’interview, précise que c’est les voisins qui ont poussé la mère des deux enfants à leur faire rejoindre un camp de l’EI dédié aux enfants entre sept et quinze ans. C’est aussi eux qui les y ont conduits.
Ils y recevaient des cours sur le Coran, mais aussi sur l’utilisation d’arme afin qu’ils puissent « aller tuer des infidèles chez eux. Ils nous ont aussi montré comme passer une ceinture d’explosif et comment l’actionner. Ils nous racontaient qu’on irait directement au paradis si l’on se faisait exploser. Nous devions aussi tuer les hommes de la FSA (l’armée libre syrienne). Même si ces derniers étaient de notre famille » dit Salem.
Un entraînement militaire qui les obligeait à s’entraîner à ramper, mais aussi à charger des armes. L’entraînement était physique puisqu’ils devaient être forts et rapides pour la lutte. La rapidité et la précision des gestes des enfants lorsqu’ils imitent les exercices de tir ne laissent pas de place au doute. Ce qui surprend, c’est que les deux enfants racontent tout cela spontanément. On a presque l’impression que tout cela n’était qu’un jeu.
« Ils nous ont aussi appris comment décapiter quelqu’un » dit alors Salem.
Lui et son frère ne rechignent pas à nous montrer comment. En un tour de main, il pousse Halit sur ses genoux avec les mains dans le dos. Et avec la paille de son coca, Salem mime le geste le long de la gorge de son frère. En criant Allah Akbar, ils nous montrent différentes façons d’égorger quelqu’un. Ils racontent tout cela normalement. Sans froideur ou enthousiasme. Nous n’en laissons rien paraître, mais cela fait froid dans le dos. Nous avons devant nous des enfants soldats parfaitement entraînés qui savent comment tuer un maximum de gens.
Son oncle est là et soupire: « je les ai emmenés en Turquie pour qu’ils oublient. Mais je trouve important qu’il raconte leur histoire et c’est pour ça que ce soir je les laisse faire. »
Les enfants ont aussi vu de vraies décapitations et racontent à quoi ressemble un corps après qu’il ait perdu sa tête. Chaque vendredi, ils étaient obligés de voir une exécution. Même parfois des gens de leur village devant les yeux de leurs parents.
« Un jour, un homme a été exécuté devant les yeux de son père. Ce dernier s’est évanoui et ils l’ont réveillé à coup de crosses . Après chaque exécution, ils nous maintenaient réveillé toute la nuit en nous jetant des seaux d’eau pour qu’on ne fasse pas de cauchemars disaient-ils.
Les deux enfants parlent sans cesse et imitent encore d’autres séances de décapitation en gloussant parfois et en imitant la voix grave de leur officier. Selon de nombreux psychologues, évacuer les traumatismes en jouant serait une bonne façon d’en venir à bout…
Des entraîneurs belges
Lorsqu’on leur demande s’ils aimaient aller dans ces camps, ils répondent que « crapahuter sur le sol, c’était pas trop leur tasse de thé. Mais lorsqu’ils nous ont donné de l’argent et des vêtements pakistanais, c’était cool. »
« Les professeurs étaient sympas aussi. Jusqu’à ce qu’on veuille rentrer chez nous. Là ils ont dit qu’on ne pouvait revoir nos parents que lorsqu’on serait devenu des vrais moedjahed, des combattants. » Il y avait aussi beaucoup d’étrangers parmi les professeurs. Dont au moins deux Belges selon les deux garçons. « C’est l’un d’eux qui nous a appris à trancher des gorges. Les professeurs portaient pratiquement toujours des masques. » Selon les deux enfants, ils n’apprenaient rien d’autre que le Coran, se battre et de tuer sans émotion. Pas de math, ni d’écriture. Que la mort et la religion.
L’État islamique utilise les enfants pour toutes sortes de tâches ingrates. Du ménage à l’attentat suicide. Salem devait lui surveiller les cartes d’identité à un poste de contrôle.
Pour leur oncle, les deux enfants sont partis à temps. « S’ils étaient restés plus longtemps dans les camps, il aurait été difficile de les ramener à la vie normale. Là ce sont de gentils garçons qui se comportent normalement. Hélas il reste encore des centaines d’autres enfants dans ces camps. De différentes nationalités. Je me fais du souci, car cette génération est élevée par des meurtriers au sang-froid. On leur bourre le cerveau avec des idées comme quoi ceux qui ne croient pas comme eux ne sont pas des humains, qu’ils ne méritent pas de vivre. Et plus tard ces nouveaux combattants vont tous venir en Europe. Il faut que vous vous prépariez. Parce que c’est ce qui va se passer.
*Halit et Salem sont des noms d’emprunt.
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