Boeuf aux hormones: « L’UE ne cédera pas, les USA le savent »
« L’Union européenne ne cédera pas sur la question du boeuf aux hormones », explique à l’AFP l’économiste Jean-Paul Simier, pour qui la décision des Etats-Unis de relancer ce contentieux contre l’UE est une manière d' »obliger » l’Europe à « faire baisser ses droits de douanes ».
A quand remonte cette bataille du boeuf aux hormones entre les Etats-Unis et l’Union Européenne ?
Jean-Paul Simier: « La question du boeuf aux hormones est un des plus vieux contentieux entre l’Union Européenne et les Etats-Unis. C’est une succession de batailles qui a commencé en 1989, lorsque nous avons interdit pour la première fois la viande hormonée au sein de l’UE. Les Etats-Unis ont attaqués l’UE devant l’Organisation Mondial du Commerce et ont gagné à deux reprises. L’Union Européenne n’a jamais pu prouver scientifiquement que c’était dangereux, c’est donc considéré par l’OMC comme du protectionnisme. Depuis 1999, on a quadruplé le contingent (de produits américains importés sans droit de douanes, ndlr) de viande bovine de haute qualité. En janvier 2009, l’administration Bush a menacé l’UE d’augmenter les droits de douane jusqu’à 300% sur certains produits, comme le roquefort, si elle n’ouvrait pas son marché aux boeufs américains élevés aux hormones. En juillet, l’Europe trouvait un accord avec Obama et acceptait 20.000 tonnes de plus de viande de boeuf de haute qualité sans hormones. Ce conflit, tout le monde pensait qu’il était définitivement éteint. Certes on avait obtenu de ne pas importer de boeuf aux hormones, mais on a payé cher pour cela ».
Pourquoi les Etats-Unis remettent sur la table une question a priori réglée depuis 2009 ?
« Les Etats-Unis accusent l’UE de ne pas avoir respecté l’accord de 2009. Mais si l’Union Européenne n’a pas rempli les contingents, cela m’étonnerait que ce soit de mauvaise foi. Il faudrait vérifier s’il y avait des acheteurs, et des vendeurs à un prix correct. Le prix de la viande américaine a flambé ces dernières années -avant de voir ses cours baisser ces derniers mois et d’être désormais moins chère que la viande européenne, ndlr-, et les Américains étaient beaucoup plus attirés par le marché asiatique très dynamique. L’Union Européenne ne cédera pas sur la question du boeuf aux hormones, et les Etats-Unis le savent. Mais ils veulent les obliger à avoir des ouvertures sur le marché et des baisses de droits de douane. Si ce n’est pas sur le boeuf, ce sera sur d’autres produits ».
Y-a-t-il un changement de ton de l’administration américaine ?
« Il y a peut-être eu moins de tensions sous le mandat Obama. Nous étions en pleine négociation sur le TTIP, il est difficile de négocier sous tension. Aujourd’hui le contexte a changé : le dollar est haut, donc moins compétitif, la balance commerciale des produits de l’agro-alimentaire face à l’UE s’érode, les lobbyistes de l’agroalimentaire reviennent en force sous l’administration Trump. Il peut être tentant dans un contexte américain plus isolationniste de revenir à la charge sur le thème : +les Européens sont des protectionnistes, ils se protègent par la norme+ ».
Propos recueillis par Camille Malplat
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