Attentats à Paris: « La société française, elle comprend rien »
A Barbès, quartier musulman de Paris, les hommes commentent les attentats. Tandis que certains jeunes ont provoqué la police durant la nuit de terreur.
« C’est chaud aujourd’hui à Paris « , fait Oussama au téléphone avec un ami, installé au comptoir de sa boutique boulevard Barbès, « c’est chaud, vraiment. Les gens sont sur leurs gardes. Ils sont nerveux. Ils savent pas s’il y a pas encore quelques fous qui traînent ».
Dans la boutique de téléphones portables d’Oussama, Pakistanais d’origine, qu’il tient avec un Libanais pour le compte d’un gérant juif et d’un propriétaire belge, selon ses dires, les quelques clients qui rentrent sont assez avares de commentaires sur les événements de la nuit de vendredi. « Qu’est ce que tu veux que je dise, moi ? « , fait un Algérien, pas franchement désireux de livrer le fond de sa pensée, « c’est choquant. Mais les médias ont dit tout de suite : ce sont les djihadistes. Moi, je ne sais pas. C’est peut-être aussi des Français derrière. C’est pour nous stigmatiser cela encore ».
Dans la rue, les vendeurs de portables et de cigarettes cherchent quelques clients sur le carrefour de Barbès Rochechouart, un quartier traditionnellement habité par l’immigration maghrébine mais la situation n’est pas très bonne pour les affaires en ce week-end ensanglanté de novembre. Plus loin sous le métro aérien, des réfugiés syriens font la file pour recevoir la soupe populaire, une shorba préparée par des volontaires et la mangent à même le sol par petits groupes d’hommes. « Vous voyez ? Ici c’est la misère. Faut pas s’étonner qu’il y ait de la violence », fait un homme avec une certaine agressivité.
La violence des attentats serait-elle d’abord perçue par les hommes du quartier de Barbès comme la conséquence d’une humiliation sociale ? Durant la nuit de vendredi à samedi, certains événements qui se sont déroulés en marge des attentats peuvent le faire penser. Alors que Paris était entièrement vidée de ses habitants et que dans les rues ne circulaient plus que des policiers, des ambulances, des journalistes et des rescapés, un certain nombre de jeunes hommes venus des banlieues françaises sont venus se coller au cordon de sécurité placé par les forces de l’ordre, en se permettant de les provoquer. « Hein toi, tu veux aller voir un peu dans mon quartier comment cela se passe ? « , a lancé l’un d’eux, au moment où les premiers rescapés sortaient effarés du Bataclan.
Les forces de l’ordre ont dû intervenir à plusieurs reprises dans la soirée pour calmer les esprits à quelques centaines de mètres seulement de la salle de concert. « Je suis pas étonné moi de ce qui se passe « , explique Zacharia, un Tunisien présent sur les lieux, « ça pourrait être pire encore. Il y a trop de violence chez nous. La société française, elle comprend rien, elle nous ignore ».
A la question délicate de savoir s’il n’est pas embêté de porter une barbe taillée à la façon des djihadistes, il répond, sans hésiter à créer le malaise : « Ca c’est un choix personnel. Je m’en fous de ce que les autres pensent« .
Laurence D’Hondt.
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