« Appelons les événements de Srebrenica par leur nom: génocide »
Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, le Belge Serge Brammertz, a participé samedi à la cérémonie de commémoration du 20e anniversaire du massacre de Srebrenica., durant lesquelles le Premier ministre serbe Aleksandar Vucic a été touché à la tête par un jet de pierre qui a brisé ses lunettes, selon l’agence officielle serbe Tanjug.
« Un groupe d’hommes a abusé de son pouvoir et de son autorité pour détruire la communauté musulmane de Bosnie orientale. Le génocide commis à Srebrenica était la conséquence d’un projet délibéré conçu au plus haut niveau », a-t-il ajouté. Il a ensuite exhorté « la communauté internationale à continuer de soutenir le processus d’établissement de la responsabilité des auteurs de crimes de guerre ».
Le Bureau du Procureur a mis en accusation 20 personnes pour les crimes commis à Srebrenica, 14 ont été condamnées, et les procédures sont en cours pour quatre autres. Le procès de Radovan Karadzic devrait prendre fin en décembre 2015, et celui de Ratko Mladic en novembre 2017.
Le Juge Theodor Meron, Président du Tribunal, a lui aussi pris la parole. « Ceux qui conçoivent et commettent le génocide cherchent à priver l’humanité des innombrables richesses qu’offrent ses nationalités, races, ethnies et religions. Il s’agit d’un crime contre le genre humain dans son intégralité », a-t-il déclaré, ajoutant que « des décisions de justice ne peuvent, à elles seules, guérir les blessures profondes laissées par des crimes de l’ordre de ceux qui ont été commis à Srebrenica. »
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Le premier ministre victime d’une agression
M. Vucij a quitté en courant le cimetière mémorial, entouré de ses gardes du corps, selon des journalistes de l’AFP. Il venait de déposer une fleur devant un monument portant les noms des plus de 6.200 victimes identifiées et enterrées au mémorial, lorsque la foule a commencé à scander Allah Akbar (Dieu est grand) et à lancer des pierres dans sa direction.
Des journalistes de l’AFP ont vu que des hommes qui assuraient la protection du Premier ministre serbe avaient été touchés par des jets de pierres. Entouré de ses gardes du corps, M. Vucic a réussi à quitter le mémorial en empruntant un sentier en haut d’une coline, en direction de plusieurs voitures, tandis que par hauts-parleurs, les organisateurs lançaient des appels au calme.
Un imam a alors commencé à prononcer une prière et la plupart des participants se sont tournés pour prier en attendant la mise en terre de 136 victimes du massacre nouvellement identifiés. Auparavant, lors de son arrivée, M. Vucic avait déjà été brièvement conspué lorsqu’il était entré dans un hangar où les membres de délégations internationales signaient le livre de condoléances.
Vendredi, le ministre serbe de l’Intérieur avait averti des risques pesant sur la sécurité de M. Vucic. Samedi, en quittant Belgrade pour Srebrenica, M. Vucic avait, dans une lettre ouverte, condamné un « crime monstrueux », évoquant le massacre de 8.000 musulmans qualifié de génocide par la justice internationale. « Vingt ans se sont écoulés depuis le terrible crime à Srebrenica. Il n’y a pas de mots (…) pour exprimer sa tristesse et ses regrets pour les victimes, ni sa colère à l’égard de ceux qui ont commis ce crime monstrueux », avait écrit M. Vucic, sans employer le mot « génocide ». « C’est mon obligation de m’incliner devant les victimes, c’est un acte qui nous définit pour l’avenir et cet avenir commun (avec les musulmans, ndlr) ne peut être sacrifié au nom d’un égoïsme personnel ou national, cela n’a pas lieu d’être au milieu de toutes ces tombes ».
L’hommage 20 ans plus tard
A cette occasion, les cercueils de 136 victimes identifiées du massacre de juillet 1995 seront mis en terre vers 13h00 heure belge. Environ 50.000 personnes, dont des proches des victimes et des survivants, sont attendues à Srebrenica. A ce jour, 6.241 victimes retrouvées et identifiées ont été enterrées au mémorial de Srebrenica et 230 autres dans d’autres cimetières. Il y a vingt ans, en juillet 1995, alors que la région était déclarée « zone protégée » par l’ONU, quelque 8.000 hommes et garçons musulmans ont été tués à Srebrenica par les forces serbes bosniennes, la pire tuerie en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
La guerre intercommunautaire de Bosnie (1992-95) a fait 100.000 morts et environ 2 millions de réfugiés, soit près de la moitié de la population à l’époque. Nombre de responsables internationaux, parmi lesquels le ministre belge des Affaires étrangères Didier Reynders et le président des États-Unis à l’époque Bill Clinton – dont le gouvernement a été l’architecte des accords de paix de Dayton qui ont mis fin au conflit bosnien -, seront présents à Srebrenica. M. Clinton avait également fait le déplacement pour le 10e anniversaire du massacre. La Serbie, qui refuse obstinément d’accepter qu’un génocide a été commis à Srebrenica, sera représentée samedi par son Premier ministre Aleksandar Vucic.
Infographie: la chute de Srebrenica jour par jour