Genevieve Garrigos, présidente Amnesty International France. © Belga

Amnesty International sert-elle encore à quelque chose ?

Marie Gathon Journaliste Levif.be

L’ONG Amnesty International a publié son rapport annuel dans lequel elle dénonce les violations des droits humains à travers le monde. Ces rapports ont-ils un réel impact sur le monde ? Nous avons posé la question à Jan Nolf, Juge de paix honoraire.

Chaque année, Amnesty International publie son rapport et dresse un état des lieux des violations des droits de l’Homme à travers le monde. Pensez-vous que ce travail a un réel impact sur le terrain ?

Jan Nolf : Bien sûr. Amnesty International, comme la Ligue des Droits de l’Homme, fait un travail essentiel. Il est vrai que parmi ceux à qui sont adressés ces rapports (les politiques), certains n’en tiennent pas compte et sont vraiment tenaces. Comme Robert Mugabe au Zimbabwe, par exemple. Mais, l’organisation a un réel impact sur l’opinion publique et sur les hommes politiques européens, entre autres.

En Belgique par exemple, la question de la surpopulation dans les prisons est entrée au coeur du débat depuis plusieurs années grâce aux rapports d’Amnesty. Et concrètement, les choses ont en partie changé dans nos prisons. Les rapports ont eu le mérite d’ouvrir les yeux de l’opinion publique sur cette problématique, ce qui a mis la pression aux politiques.

La presse joue-t-elle un rôle ?

C’est certain. La publication des rapports ne suffit pas, mais ils constituent une base de travail importante pour les journalistes. Ils incitent la presse à aller plus loin, à enquêter dans le détail et concrètement. Ils évitent de devoir faire ce travail individuellement. Ils fournissent une base de travail crédible, neutre et sérieuse.

De nombreux grands reporters dans le monde sont motivés par ces rapports et se chargent d’y apporter du concret et du contenu. Cela permet aussi d’ouvrir des débats dans nos sociétés. La presse fait donc office de pont entre Amnesty et le monde politique.

Amnesty fournit également un message, un bilan de chaque situation. Elle ne se contente pas d’énumérer des faits et des détails. Ensuite, ce sont aux politiques d’apporter des solutions. C’est leur rôle, pas celui d’une ONG.

Mais le travail d’Amnesty International ne sera jamais fini, car nous évoluons dans un monde de plus en plus compliqué.

Amnesty International peut-elle être comparée à un lobby ?

Non pas du tout. Le lobbying a une connotation négative liée au profit. Au contraire, Amnesty International a une forte autorité auprès des décideurs politiques et des organisations internationales. Elle représente un levier dont ils se servent pour défendre leurs idées.

Amnesty International ne peut pas non plus être comparée à une ONG comme Greenpeace par exemple. Elle n’a pas du tout les mêmes méthodes ni la même approche. On peut considérer que d’une certaine manière Greenpeace fait du lobbying pour faire passer ses idées auprès du grand public, notamment avec des actions spectaculaires et très médiatisées.

Tandis qu’Amnesty a une approche qui se démarque du lobbying pour garder justement cette autorité et cette « neutralité engagée » qui lui est propre. Le plus important pour eux est de rester crédible et de garder leur sang-froid. En aucun cas elle ne pratique le « zélotisme », contrairement à d’autres ONG.

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