Allocation universelle: comment va s’y prendre Benoît Hamon ?
Benoit Hamon, candidat socialiste à la présidentielle française, en a fait le point fort de sa campagne : une allocation universelle octroyée indifféremment à tous les Français. Comment compte-t-il mettre en oeuvre cette mesure ? On fait le point.
Au début, Benoit Hamon n’était pas emballé par cette idée de verser un revenu à tous les citoyens majeurs de France, de l’ordre à première vue de 750 euros par mois, sans exiger aucune condition. Macron et Montebourg s’étaient, eux, montrés plus séduits. Montebourg par « un revenu d’existence » alors que Valls plaidait plutôt pour un revenu de base plus modeste, sorte de RSA (revenu de solidarité active) amélioré.
Ce n’est que progressivement, au contact d’économistes, et notamment des lobbyistes du Mouvement français pour un revenu de base (MFRB), ainsi qu’en collaborant avec des associations, des coopératives et des mutuelles que ce concept qu’il qualifie dans Le Monde de « nouvelle protection sociale » a fait son chemin dans l’esprit d’Hamon. Le mouvement citoyen « Nuit Debout », né au printemps 2016, finit de convaincre le candidat socialiste tout comme sa rencontre avec Bernie Sanders, le candidat démocrate malheureux à l’élection américaine. Il intègre l’idée à son programme de campagne et en fait par la suite son premier cheval de bataille. Pour Nicolas Matyjasik, coordinateur de son programme, cité par le magazine français Society, « la mesure a pris une telle importance qu’elle peut [les] faire perdre comme elle peut [les] faire gagner en mai prochain. »
Si la mesure est source de vifs débats, elle est souvent raillée. D’aucuns la qualifient carrément d' »irréaliste », ce à quoi l’équipe d’Hamon répond que « les 35 heures, les congés payés, ce n’était pas réalisable non plus »… Comment justifier aussi que les riches reçoivent le même montant que les plus défavorisés ? Dans le magazine Society, Julien Dourgnon du MFRN défend le principe : « Dans cette logique, il faudrait aussi dé-rembourser le médecin généraliste de Xavier Neil, puisqu’il peut le payer sans avoir besoin d’être remboursé. Et pourtant, la sécurité sociale le rembourse au même taux que le chômeur. Et le chômeur, lui, se sent accéder à un droit, sans avoir l’impression d’être « assisté ».
Mais à seulement quelques semaines des élections en France, le programme précis d’Hamon sur la manière d’octroyer cette allocation universelle n’est pas encore détaillé. Sur son site de campagne, comme a pu le remarquer le journal Le Monde, des modifications constantes ont été apportées au texte de base. Benoît Hamon n’a pas non plus détaillé quelles aides sociales pourraient disparaître au profit du revenu universel. (Voir les détails chiffrés des différentes versions sur le site du Monde).
Pour le philosophe belge Philippe Van Parijs, l’un des initiateurs du revenu de base, « la formule défendue passe par un socle inconditionnel qui vient non pas remplacer les autres allocations, comme chez certains libéraux, mais se poser en dessous de tous les revenus personnels, y compris des allocations sociales. » Dans une interview à Philosophie Magazine, le philosophe et économiste belge parle « d’un montant réaliste allant de 15% à 25% du produit intérieur brut par tête, de 350 à 600euros. S’adressant à tous les résidents fiscaux, étrangers compris. » Comment sera-t-il alors financé ? « Par un ajustement du niveau des allocations existantes et par une réforme de l’impôt qui supprime, par exemple, les exonérations fiscales sur la première tranche. »
Piketty pas sur la même longueur d’onde
Philippe Van Parijs ajoute que « le caractère inconditionnel de ce socle cumulable avec tout autre revenu donne aux individus le pouvoir réel de dire oui à certains emplois mal ou irrégulièrement rémunérés, mais à forte dose de formation, comme les stages, ou répondant à leur vocation, comme les métiers artistiques. Il leur donne également le pouvoir de dire non à des emplois peu gratifiants. Il assure la sécurité matérielle des individus en dissociant celle-ci de l’emploi. Il nous fait sortir d’un idéal de vie centré sur la figure du travailleur à temps plein toute sa vie. »
Reste qu’au sein même de l’équipe de campagne de Benoit Hamon, les vues divergent sur sa mise en oeuvre. Ainsi, l’économiste Thomas Piketty, fraîchement débarqué en tant que conseiller sur les questions européennes n’est pas sur la même longueur d’onde. Invité sur France Inter le 12 février, il a évacué toute idée d’un revenu universel de 600 euros pour les smicards : « On ne peut pas l’augmenter à 600 euros par mois au niveau du Smic parce qu’il faudrait augmenter la CSG (NLDR : La contribution sociale généralisée (CSG) est un impôt destiné à participer au financement de la protection sociale) et les cotisations sociales pour le financer, donc ça ne servirait pas à grand-chose »…
Il y a quelques semaines, l’économiste avait pourtant défendu l’idée en publiant avec neuf autres chercheurs une tribune intitulée « Pour un revenu universel crédible et audacieux », rapporte Challenges.fr. Seulement, son approche ne cautionne pas vraiment le revenu universel à la sauce Hamon. « La question de la justice sociale ne s’arrête pas à 600 euros ou même 800 euros par mois, écrit l’économiste. Notre crainte est que l’on dépense beaucoup de temps et d’énergie à débattre de l’introduction d’un revenu de 800 euros formellement versés à tous – qui peut se résumer in fine à une opération comptable sur les bulletins de salaire – et que cela occulte les grands enjeux de justice sociale. »
Thomas Piketty prône plutôt une refonte de l’actuelle prime d’activité assortie d’une augmentation (d’environ 120 euros au niveau du Smic). Elle prendrait la forme d’un complément de salaire pour les personnes qui ont un emploi stable et d’une allocation classique pour les personnes qui cumulent les petits boulots ou ont des revenus très faibles. Le chercheur est aussi très favorable à l’étendue du RSA aux 18-25 ans comme un moyen de « favoriser l’autonomie des jeunes et l’acquisition des qualifications ».
Toujours est-il que la dernière mouture en date du candidat PS propose la mise en oeuvre de son revenu universel en trois phases. La première consistera à augmenter le RSA de 10 % et à l’étendre aux 18-25 ans. Elle entrera en vigueur dès 2018 via la première loi de finances du quinquennat. La deuxième phase débutera en 2019 avec l’organisation d’une « grande conférence citoyenne » qui définira les contours précis du futur revenu universel. Avec l’objectif de verser 600 euros à tous les Français dans un premier temps, puis 750 euros à terme pour la troisième étape.
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