Volcan et gorilles font revenir les touristes au parc des Virunga
Depuis la crête du volcan Nyiragongo, autour du cratère fumant, des touristes admirent le chaudron de lave en ébullition en contrebas. Dans l’est ravagé par la guerre de la République démocratique du Congo (RDC), le Parc national des Virunga redevient, contre toute attente, une destination touristique.
Dans un bruit de mer déchaînée, l’un des plus vastes lacs de lave du monde, dans l’un des volcans les plus actifs, crache vers le ciel rougeoyant des pierres en fusion: les responsables du parc, rouvert l’an dernier après l’éloignement de la ligne de front, misent sur ce fascinant spectacle pour faire revenir les touristes indispensables à la survie des Virunga.
Jalonné de collines verdoyantes couvertes de forêts noyées dans la brume, le plus ancien parc national d’Afrique, ouvert en 1925, abrite aussi une biodiversité exceptionnelle, dont le quart de la population survivante des gorilles de montagne, espèce gravement menacée.
Depuis plus de 20 ans, la province du Nord-Kivu qui abrite ce parc est ravagée par les conflits sanglants, alimentés par des différends ethniques et fonciers, la concurrence pour le contrôle de ses riches ressources minières et des rivalités entre puissances régionales. En novembre 2012, les rebelles du M23, en guerre contre Kinshasa, avait brièvement pris Goma, la capitale provinciale.
« La ligne de front était juste là, en contrebas », explique, du haut du volcan, un porteur, montrant les lumières de Goma, sur la rive du lac Kivu, à une vingtaine de kilomètres vers le sud. Groupes armés et milices continuent de pulluler et de semer la terreur au Nord-Kivu. Le conservateur du Parc national des Virunga, l’anthropologue belge Emmanuel de Mérode, a lui-même été blessé dans une embuscade en avril 2014. Mais la région de Goma est, elle, calme depuis environ 20 mois.
En 2011, ce parc classé au patrimoine mondial de l’Unesco pour « sa diversité d’habitats qui surpasse celle de tout autre parc africain », avait accueilli plus de 3.000 visiteurs. Mais les combats l’avaient contraint à fermer l’année suivante et il n’a rouvert totalement que fin 2014. Les guides armés assurent que la zone est désormais sûre. Et les visiteurs reviennent. Presque 3.000 touristes ont déjà visité les Virunga depuis le début de l’année 2015.
Une heure avec les gorilles coûte 400 dollars, une nuit sur le volcan 250 dollars. Des revenus qui assurent non seulement la survie du parc et de son écosystème, mais dont bénéficient aussi directement ou indirectement – emplois ou infrastructures – les quelque quatre millions de personnes qui vivent à l’intérieur ou alentour, contribuant à la « paix et à la prospérité », explique M. de Mérode à l’AFP.
« Chaque touriste qui visite les Virunga apporte sa contribution », souligne Emmanuel de Mérode. Produit par Leonardo DiCaprio et nommé aux Oscars, le documentaire Virunga (2014), consacré aux efforts pour protéger le parc des groupes armés, des braconniers et des compagnies pétrolières, a également contribué au retour des touristes. « On a vu le film et on s’est dit qu’il fallait qu’on voie ça », explique Jacques, un homme d’affaires belge travaillant en RDC, marchant dans la forêt avec des proches et des amis, à la rencontre des gorilles.
Les guides communiquent avec les primates, rassurant par des grognements le groupe d’une demi-douzaine d’individus qui se prélasse à quelques mètres à peine: des femelles et leurs petits, un jeune mâle et un « dos argenté » – mâle dominant – qui doit avoisiner les 160 kg. Les animaux ne sont pas effrayés. Les mères rattrapent les plus petits qui viennent à la rencontre des touristes. On atteint le sommet du Nyiragongo, qui culmine à 3.470 m, après cinq heures de marche sur des flancs raides et escarpés, couverts d’une forêt équatoriale luxuriante.
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Seuls 16 touristes peuvent gravir le volcan chaque jour. Lors d’une récente ascension, sous une pluie torrentielle accompagnée de grêlons, une dizaine de touristes américains, belges, britanniques et israéliens, accompagnaient un journaliste de l’AFP. « Des vacances sur la Montagne du Destin », commente ironiquement Fabien, adolescent belge en voyage avec sa mère, en référence au volcan imaginaire du « Seigneur des Anneaux », classique de l’écrivain britannique J.R.R. Tolkien. « Il y a certaines choses qu’il faut voir soi-même pour y croire », ajoute-t-il, contemplant depuis l’à-pic le cratère en feu, sous un ciel nocturne repeint en rouge par les reflets de lave en fusion.
En 2002, lors de sa dernière éruption majeure, des torrents de lave dévalant les pentes du Nyiragongo à près de 100 km/h, avaient détruit une partie de Goma. Sur le volcan, alors que la nuit tombe et que les températures descendent sous zéro, la chaleur émanant du cratère réchauffe les membres engourdis des touristes, assis jambes ballantes au-dessus du vide, admirant la tectonique des plaques en action.
« J’ai vu comment la Terre est née », a écrit un couple américain dans le livre d’or du parc. « Combien de fois redescend-on d’une montagne en ayant compris comment nous sommes tous là? »