Hong Kong, l’enfer plastique
A l’entrée du Musée des sciences de Hong Kong, théâtre d’une effrayante exposition sur la pollution des mers par le plastique, on continue les jours de pluie de distribuer des sacs jetables pour ranger les parapluies dégoulinants.
C’est un paradoxe aussi déprimant que la situation des océans: l’ex-colonie britannique est développée, sa population est éduquée mais, du fait de son mode de vie, la ville semble incapable d’endiguer une pollution plastique alarmante. Chaque jour, Hong Kong produit plus de 16.000 tonnes d’ordures, parmi lesquelles 1,3 million de bouteilles en plastique, mille tonnes de sacs plastique et une quantité astronomique d’emballages en tout genre, selon l’ONG « HK Clean Up », qui mène des campagnes de sensibilisation.
« Pour notre génération de clients de supermarchés et d’épiceries de quartier, tout ce qui compte est l’aspect pratique, pas l’impact en terme de pollution », déplore Jo Wilson, une militante qui organise des campagnes de collecte d’ordures sur l’île de Lamma. « Rien que lors de leur déjeuner, les gens produisent une quantité de déchets impressionnante. Les Hongkongais emploient une armée de femmes de ménages et de domestiques, alors peut-être que les gens n’ont plus l’habitude de faire attention », dit-elle.
La production mondiale de plastique est passée entre 1964 et 2014 de 15 millions à 311 millions de tonnes et devrait doubler dans les deux décennies qui viennent, selon le rapport « New Plastics Economy », présenté en janvier par la Fondation Ellen MacArthur au Forum économique mondial.
Point de saturation
A Hong Kong, société de consommation par excellence, la situation est particulièrement préoccupante, selon Lisa Christensen, cofondatrice de HK Clean Up. « Nous générons en moyenne 1,36 kg d’ordures ménagères par personne et par jour, contre 0,77 kg à Tokyo », explique-t-elle.
Dans l’ancienne colonie britannique, le recyclage est loin d’être entré dans les moeurs, notamment parce que les campagnes des autorités ont été sapées par des enquêtes journalistiques qui ont montré que, quel que soit le tri effectué, les ordures étaient de nouveau mélangées en bout de chaîne.
La situation est même en train de se détériorer pour le plastique: en 2014, seuls 5% des produits plastique étaient recyclés, contre 25% en 2005, selon des chiffres officiels. Les mesures de soutien aux entreprises de recyclage sont sans effet. Alors que les prix du pétrole sont historiquement bas, le plastique neuf est moins cher pour les entreprises que les matériaux retraités. Faute d’infrastructures appropriées, l’essentiel du traitement des ordures se fait en Chine continentale.
Le territoire approche à grand pas du « point de saturation », les décharges de Hong Kong devraient être pleines en 2018, relève Louisa Ho, directrice de la branche hongkongaise de The Nature Conservancy, qui plaide pour un changement radical des pratiques de consommation.
Or à Hong Kong tout est fait pour faciliter l’existence, pas pour la rendre plus verte.
Plus de plastique que de poisson
A l’instar du Musée des sciences, la plupart des immeubles et magasins proposent – voire encouragent – les visiteurs à ranger leur parapluie dans un sac plastique sur mesure. Le but: réduire les risques de chute en tentant de garder les sols intérieurs bien secs.
Les sacs commencent à être payants dans certains supermarchés et commerces, mais la plupart des produits alimentaires sont conditionnés sous de multiples couches de plastique, par souci d’hygiène alimentaire.
La restauration à emporter est reine dans une ville qui ne prend plus le temps de cuisiner. Faute de place, certains logements n’ont de toute façon pas de cuisine. Au travers d’oeuvres réalisées avec des morceaux repêchés, Out to Sea? The Plastic Garbage Project, l’exposition temporaire du Musée des sciences de Hong Kong donne la pleine mesure du désastre écologique en cours.
Au moins huit millions de tonnes de plastique sont rejetées chaque année dans les océans du globe, selon le rapport « New Plastics Economy ». « C’est l’équivalent d’un camion d’ordures par minute (…) Et si rien n’est fait, il y en aura deux par minute en 2030 et quatre en 2050 ».
En terme de poids, il pourrait d’ici 35 ans y avoir davantage de plastique que de poisson dans les océans, avertit le rapport.
Des continents de plastique sont en train de naître au centre des océans, tandis qu’une quantité inconnue de matière finit par plonger en profondeur et que de micro-particules contaminent toute la chaîne alimentaire.
Jo Wilson, elle, est convaincue que l’éducation et la sensibilisation paieront: « Il y aura un moment où le gaspillage de plastique sera aussi mal vu que le fait de fumer à l’intérieur. »
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