Albanie: le pélican frisé est de retour à Divjaka
Avec ses plumes sur le crâne qui lui donnent l’air de porter une perruque, il ne passe pas inaperçu: le pélican frisé est de retour dans la lagune de Divjaka, en Albanie.
Depuis les années 1980, la population des oiseaux d’Europe a diminué de plusieurs dizaines de millions d’individus, selon les ornithologues. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) considère que 80% des sites de reproduction du pélican frisé en Europe ont disparu.
L’un des plus importants, la lagune de Divjaka dans l’ouest de l’Albanie (bassin de l’Adriatique), qui accueille chaque année des millions d’oiseaux et figure sur la route de nombre de migrateurs, a été très abîmé par l’homme.
Le pélican frisé a presque déserté les lieux, alors qu’auparavant, « le parc national Divjaka-Karavasta était considéré comme son royaume », dit son directeur Adrian Koçi.
Mais l’heure de la reconquête est peut-être arrivée.
« Le roi est revenu cet hiver », se réjouit Fatos Jolla, un pêcheur de 67 ans.
« De 250 couples reproducteurs dans les années 1960, on était tombé à 17 en 2000-2001. On est revenu à 52 couples et 57 naissances recensées en 2017 », confirme Adrian Koçi.
Le retour de cet oiseau dont l’envergure peut atteindre trois mètres est le résultat d’une politique volontariste des autorités albanaises, souvent critiquées pour leur passivité dans la défense de l’environnement.
L’île salvatrice
Une petite île de 22 km2, au centre de la lagune, est au coeur de ce succès: les lieux de nidification ont été surélevés pour résister à la montée de l’eau, des barbelés ont été installés pour empêcher les touristes d’y accéder, la chasse a été interdite en 2016… Des chasseurs qui ont abattu un pélican mi-février ont été identifiés et risquent deux à quatre ans de prison.
Le regain est toutefois fragile, prévient Adrian Koçi. « La tendance était prometteuse jusqu’en février. Mais les intempéries, la neige et le vent ont dérangé la colonie. Certains ont même abandonné leurs nids et leurs oeufs », explique Adrian Koçi, qui espère les revoir en avril.
Il faudrait mettre en place « des canaux de communication entre la lagune et la mer, ce qui n’est plus fait depuis une vingtaine d’années, afin de permettre la circulation d’eau fraîche » et « l’entrée de poissons », base de l’alimentation des pélicans, poursuit-il. Et traquer les pêcheurs de nuit, qui épuisent le stock de poissons.
Pour Sajmir Hoxha, coordinateur en Albanie de l’association française de défense de la biodiversité Noé Conservation, les autorités doivent surtout s’attaquer au bétonnage de la côte. « Nous redoutons ces grands projets d’urbanisation qui vont à l’encontre des lois de l’environnement et des équilibres naturels », dit-il.
Une alliance méditerranéenne pour la protection des zones humides, qui regroupe une vingtaine d’associations de douze pays, s’est inquiétée en 2017 de la possible construction d’un complexe touristique à Divjaka, qui détruirait « la richesse naturelle et la diversité biologique de ce secteur ».
Complexe touristique
Porté par un groupe helvéto-kosovar, ce projet prévoit 2.000 appartements, quelque 300 villas, des hôtels, un golf et des pistes pour hélicoptères, sur une bande côtière longue de douze kilomètres, selon Sajmir Hoxha. Sollicités par l’AFP, les représentants en Albanie du groupe désigné par les militants comme le promoteur, n’ont pas donné suite.
Relevant que 70% des zones humides du pays ont déjà été détruites, des ornithologues et des défenseurs de l’environnement ont écrit au Premier ministre albanais Edi Rama pour lui demander de mettre son veto au projet. Ce dernier est suspendu, mais les écologistes craignent que cette décision soit provisoire.
Si le projet immobilier incriminé se concrétise, « ce sera la disparition du pélican frisé et d’autres espèces qui font la diversité de ce parc », prévient Adrian Koçi selon qui près de la moitié des 200 espèces d’oiseaux qui peuplent la lagune sont concernées.
Celle-ci compte notamment 1.500 à 1.600 flamants roses, détaille Dorian Nasi, employé du parc.
Mais leur présence, relevée pour la première fois il y a quatre ans, n’est peut-être une bonne nouvelle qu’en apparence: elle pourrait s’expliquer par un réchauffement climatique susceptible à terme d’être fatal à l’écosystème lagunaire.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici