Gautier Calomne
« Zone franche à Bruxelles : une opportunité économique, pas un obstacle politique ! »
Imaginez un instant… Vous êtes sur le point de faire une mauvaise chute et une personne, que vous n’appréciez peut-être pas particulièrement, vous tend la main. Que faites-vous ? Sans peur de me tromper, je pense que vous feriez fi de votre fierté, voire même de vos rancoeurs, et que vous saisiriez celle-ci. C’est ce que toute personne rationnelle ferait en réalité.
Imaginez maintenant que vous êtes à la tête d’une Région. La Région bruxelloise. Vous faites face à des indicateurs qui sont quasiment tous au rouge. Le taux de chômage est de 17,8% (28% pour les jeunes), ce qui vous place bon dernier par rapport à la Flandre (8%) et à la Wallonie (13%), bien loin de la moyenne européenne (8,5%). 30% de vos habitants vivent sous le seuil de risque de pauvreté. La classe moyenne s’exile chaque année au rythme de 10.000 ménages, sans parler du départ des entreprises. Le tissu urbain se dévitalise, avec une fracture sociale et une dualisation croissante de la population. Face à tout cela, ne saisiriez-vous pas toutes les opportunités qui s’offrent à vous pour vous en sortir ? La logique dirait que oui. Bruxelles, elle, a dit non ; elle n’a besoin de personne pour se relancer, et surtout pas de la main que lui tend l’État fédéral. Explications.
La loi du 15 mai 2014 a porté sur les fonds baptismaux le pacte de compétitivité. L’objectif est simple : soutenir la croissance économique belge. À travers ce cadre stratégique, le Gouvernement fédéral s’est engagé, entre autres via des dispenses partielles du précompte immobilier, à aider les entreprises qui développent leurs activités et recrutent de la main d’oeuvre au sein de zones franches, dont la définition appartient aux Régions. Concrètement, une zone franche est un périmètre au sein duquel les pouvoirs publics octroient, de manière temporaire, un régime préférentiel d’aides aux entreprises (en particulier les PME-PMI-TPE et les indépendants) au travers d’avantages de tous types, comme des réductions des charges fiscales, l’octroi de primes à l’investissement et au recrutement, ou encore la majoration du taux de base de subventions. Une fois ces zones établies par les Régions, celles-ci concluent avec le Fédéral un accord de coopération pour relancer les activités économiques locales et ainsi renforcer la création de nouveaux emplois. Il s’agit d’un exemple remarquable de fédéralisme de coopération, bien compris de tous. Sauf de Bruxelles.
Qu’a fait la Flandre ? Elle a conclu un protocole dès le 3 avril 2015 et elle a délimité 2 zones d’aide dès le 28 avril de la même année, à Genk et à Turnhout. Qu’a fait la Wallonie ? Elle a conclu à son tour un accord dès le 17 novembre 2015 et elle a entériné le principe de 4 zones près de Frameries, Seraing, Charleroi et Sambreville. Qu’a fait Bruxelles ? Rien. Nada. Aucun accord. Pas le moindre contact avec le Fédéral. Même pas un SMS…
Pourtant, tout n’avait pas si mal commencé. En 2014, une ordonnance bruxelloise, votée dans un consensus relativement large, a créé un dispositif de zone franche : la « Zone d’économie urbaine stimulée » (ZEUS). Une première zone d’intervention prioritaire, constituée de quartiers situés autour du canal (Anderlecht, Bruxelles-ville, Saint-Josse, Schaerbeek, Molenbeek-Saint-Jean, Saint-Gilles et Forest), a alors été définie. Un budget de 5 millions d’euros a même été mobilisé pour lancer cet outil socio-économique au profit de la population des quartiers en difficulté. Hélas, depuis lors, rien ne s’est concrétisé. Pis, le budget a été réduit à 500.000 euros et aucun progrès n’a été effectué.
Ces oeillères et cette absence de proactivité bruxelloises s’expliquent pour diverses raisons, entre des retards de gestion du Gouvernement régional (le retard de la réforme des aides aux entreprises en tête) et l’argument selon lequel le cadre fédéral ne serait pas adapté au tissu sociogéographique local. Il est regrettable qu’il n’y ait eu aucun contact entre les niveaux de pouvoir pour trouver et développer des solutions de compromis. Il est déplorable que la ZEUS n’ait même pas été présentée au Gouvernement fédéral, alors que son principe figure pourtant noir sur blanc dans le « Plan Régional de Développement Durable » (PRDD) promu partout, à grand renfort de publicités, par le Ministre-Président bruxellois… Une vision de long terme ? Une triste capitulation de la théorie à la pratique !
Comment concevoir que la Capitale de l’Europe fasse ainsi la fine bouche, alors qu’elle est impactée par de nombreuses difficultés ?
Comment concevoir que la Capitale de l’Europe fasse ainsi la fine bouche, alors qu’elle est impactée par de nombreuses difficultés ? C’est tout simplement une opportunité manquée ! Nombreux sont les quartiers qui, autour du canal ou ailleurs dans Bruxelles, ont besoin d’un renouveau économique avec des effets démultiplicateurs sur le tissu social : des quartiers plus mixtes, plus ouverts sur le modèle urbain et libéré (des risques) de la « ghettoïsation ».
Il n’y a pas de querelle politique sur ce dossier, il n’y a que des raisons de le faire avancer. Mesdames et Messieurs du Gouvernement bruxellois, soyez rationnels, saisissez cette main tendue et, ensemble, faisons gagner Bruxelles !
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