Mélanie Geelkens

Une sacrée paire de persécutés: « Relax, les gars. Faut pas se sentir attaqués » (chronique)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Plusieurs critiques ont été rapportées sur la chronique reprochant « une fixation sur le féminisme qui n’apportera ni le bonheur ni la vérité » ou de « mettre tous les hommes dans le même sac ». Relax, les gars. Faut pas se sentir attaqués. Parce qu’évidemment, vous l’avez compris, les femmes ne sont pas vos inférieures. Reste maintenant à l’appliquer.

Il se peut, sympathique ami lecteur, que vous soyez vous-même un homme. Ne vous en faites pas, ce sont des choses qui arrivent (1). Et merci de vous attarder sur ces lignes. Certains d’entre vous les attendent avec impatience comme ils couraient, petits, « acheter chaque semaine le dernier Spirou Magazine« . Il paraît qu’elles font « réfléchir en souriant » (en toute modestie, évidemment). A ces aimables messages récurrents s’en ajoutent d’autres, moins fréquents et surtout, moins bienveillants. Le dernier en date estimait que « l’égalité entre hommes et femmes est un droit, c’est une évidence, mais mener des combats féministes comparables à ceux du XIXe siècle dessert la cause plus qu’elle ne l’aide! […] L’excès nuit en tout et tout combat, aussi digne soit-il, il a ses limites qui, lorsqu’elles sont dépassées, remet en cause [sa] crédibilité. »

Le patriarcat, c’est comme un iceberg. On peut nager toute sa vie à côté sans le voir. Mais une fois qu’on l’a aperçu, impossible de regarder ailleurs.

D’autres courriers pourraient être cités (comme celui d’un monsieur s’interrogeant sur une éventuelle consommation illicite) mais ils seraient redondants. Les critiques les plus acerbes viennent généralement de proches, d’amis, reprochant « une fixation sur le féminisme qui n’apportera ni le bonheur ni la vérité » (s’en remettre à Dieu, peut-être?) ou, plus souvent, de « mettre tous les hommes dans le même sac« , celui du sexisme. « Alors que bon, des mecs bien, il y en a plein! Regarde-moi! »

Relax, les gars. Faut pas toujours se sentir attaqués, comme ça. Aucune féministe ne veut vous faire la peau. Sauf peut-être Valerie Solanas, militante radicale américaine oubliée qui entendait « tailler les hommes en pièces ». Au premier degré. Elle avait même tenté de flinguer Andy Warhol. Mais elle est morte depuis trente-deux ans, on se détend. Critiquer un système ne signifie pas détester ses composantes. Mais bien tenter de les conscientiser. Une professeure liégeoise d’université, qui toute sa carrière ne s’était jamais intéressée aux questions d’égalité, avait fini par y être sensibilisée à la lecture des travaux de ses étudiantes. « Le patriarcat, comparaît-elle, c’est comme un iceberg. On peut nager toute sa vie à côté sans le voir. Mais une fois qu’on l’a aperçu, impossible de regarder ailleurs. »

Il se remarque alors au travers d’une annonce nécrologique, d’une toilette publique, d’une barre verticale de vélo, d’une plaque de rue, d’un jeu vidéo, d’un roman policier… Partout, absolument partout (2). Le constater n’est pas vous détester, messieurs. Ce n’est même pas vous en vouloir, héritiers d’un monde au centre duquel vous avez toujours trôné. Pas votre faute. Mais, désormais, faut arrêter d’en profiter. Même inconsciemment.

Parce qu’évidemment, vous l’avez compris, les femmes ne sont pas vos inférieures. Reste maintenant à l’appliquer. Quand une collègue vous énerve et que vous la qualifiez d’incapable. Quand un pote vous raconte, rigolard, qu’il a traité une meuf comme une sous-merde et que vous souriez d’un air entendu. Quand vous prenez votre petit garçon sur vos genoux en lui lançant « baises-en le plus possible, fils », alors que vous espérez que votre fille reste vierge jusqu’au mariage. Quand vous confiez le repassage de vos costumes à votre mère parce que, franchement, vous avez autre chose à faire. Quand vous ne mettez jamais un pied au supermarché, jamais une main à la pâte ménagère, jamais le nez au-dessus d’une casserole. Etc., etc.

Ouais, ouais. « Qu’est-ce qu’elle peut radoter. » Bisous quand même, les mecs bien.

(1) Paraphrase de Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte.

(2) Lire « Une sacrée paire » de morts, de commodités, de vélos, de rues, de manettes et de victimes littéraires.

82%

Telle est la diminution d’admissions enregistrées depuis septembre dernier dans les services hospitaliers de soins néonatals intensifs, par rapport à la même période en 2019. Moins 79% pour les soins néonatals non intensifs. Cette tendance baissière se poursuit donc depuis le début de la pandémie. Cela ne signifie pas que les parents ne font plus soigner leurs bébés par crainte du virus mais plutôt que le (semi-)confinement a eu l’avantage, pour les femmes enceintes, de vivre leur grossesse plus sereinement, donc d’être moins exposées aux naissances prématurées et leurs nouveaux-nés aux complications. A quelque chose malheur est bon…

Le livre

Il n’y a pas beaucoup de peaux foncées dans le nouveau livre de la photographe française Emmanuelle Choussy. Pas beaucoup de bourrelets, non plus. En revanche, beaucoup de vedettes et quelques inconnues, (bien) habillées ou (presque) nues. Women (c’est son titre, éd. Yucca) entend « mettre en lumière la Femme d’aujourd’hui », « celle qui plus que jamais – et alors que l’opinion publique voudrait encore décider pour elle – assume parfaitement son image ». Davantage diversifiée, l’image, ç’aurait été encore mieux. Mais bon, une partie des bénéfices sera reversée à la Ligue contre le cancer.

Une sacrée paire de persécutés:
© DR

La phrase

« Quand je frappais sur ma femme, je lui disais que c’était de sa faute. » Stéphane, auteur par le passé de violences conjugales, s’est confié au micro de journalistes de la RTBF, qui avaient décidé d’éclairer différemment la thématique à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre. A ré-écouter sur Auvio.

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