Un risque de black-out « plus désagréable » qu’annoncé
« Ce que je vais expliquer est plus désagréable que ce que dit la presse », a déclaré Jean-Claude Baum, du service de recherche Beaums-Energy, de l’école polytechnique de Bruxelles, lors d’une conférence de presse organisée jeudi par l’Université Libre de Bruxelles (ULB) à propos du risque de pénurie d’électricité encouru par la Belgique cet hiver.
« Quand je parle de black-out, je ne parle pas du délestage volontaire manuel, qui est un moyen d’éviter le black-out. Je parle bien d’un incident qui intervient alors qu’il existe un déséquilibre entre la production et la consommation d’électricité », a précisé le professeur. « La marge de manoeuvre est très réduite sur notre système électrique. Celui-ci fonctionne sur 50 Hz. Si vous passez à 49 ou à 51, vous avez un risque d’incidents en cascade sur le réseau. Dès qu’un incident apparaît, il faut donc réagir très vite, sous peine d’incidents en cascade et de black-out. Un simple événement météo peut suffire pour créer un incident », a prévenu Jean-Claude Baum.
Pourquoi connait-on un risque de black-out en Belgique? Selon Jean-Claude Baum, « on sait depuis des années que la demande en électricité et les moyens de production ont évolué. Mais personne n’a investi dans le réseau de transport d’électricité. Le marché ne parvient pas à satisfaire une planification à long terme. De plus, chaque pays reste compétent alors que l’ensemble de l’Europe est interconnecté », explique le professeur. « Une décision comme celle de la sortie du nucléaire en Allemagne a des conséquences pour les pays voisins, dont la Belgique, importatrice nette d’électricité de façon structurelle. » La Belgique est donc très exposée au risque de black-out. « Que se passerait-il si la France décidait subitement, parce qu’elle serait touchée à son tour, de ne plus exporter? » « Il est donc indispensable de poser des choix dans l’exploitation du système électrique sur base d’une analyse de risque », a-t-il conclu.
« Une gigantesque expérimentation sociale »
Sur base d’expériences menées à l’étranger, le professeur Grégoire Wallenborn, du Centre d’Etudes du développement durable (CEDD) de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), a de son côté, analysé l’impact d’un black-out sur le ressenti de la population. Selon lui, cela pourrait devenir une « gigantesque expérimentation sociale ». « Depuis que l’on parle de ce risque de pénurie d’électricité, il existe une prise de conscience de l’existence d’un réseau électrique en Belgique », a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse jeudi à l’ULB.
« La ville de New York a connu deux black-out. En 1965, on a observé des scènes de solidarité. C’était devenu un moment festif. En 1977, on a par contre connu des tensions et des pillages », a raconté Grégoire Wallenborn. En fonction du contexte, les réactions de la population à un black-out peuvent donc être très différentes.
Aujourd’hui, « la plupart des consommateurs ne se sentent pas concernés par la question. Allumer une lampe chez soi est considéré comme un droit. Depuis que l’on parle de ce risque de pénurie, il existe une prise de conscience. » Mais la population est-elle vraiment prête à réduire sa consommation d’électricité? « Pour l’instant, c’est essentiellement par le biais de la tarification que l’on agit », a expliqué le professeur. « Le système du compteur bi-horaire est socialement bien intégré. Il existe maintenant des possibilités d’aller plus loin et de proposer, via des compteurs intelligents, une tarification dynamique heure par heure. Mais les consommateurs ne sont pas prêts à surveiller leur consommation d’heure en heure. Une certaine lassitude apparaît », a analysé le chercheur.
Par ailleurs, « le potentiel de mobilisation de la population n’est pas suffisamment exploité », estime-t-il. Ces dernières années, notamment sur le photovoltaïque, on s’est focalisé sur le gain financier. Or, la majorité de la population est plutôt « pondérée » dans ses choix, entre un calcul purement économique et une action en faveur de l’environnement.