Un cadeau de Kris Peeters à la CSC ?
Le ministre CD&V a accordé début février à la CSC le statut d’entreprise en difficulté. Une » décision technique « , dit-il d’une procédure suivie de A à Z par le pilier chrétien et qui offre une bouffée d’oxygène au syndicat.
Le grand sociologue danois Gosta Esping-Andersen range notre pays dans le « monde bismarckien » de l’Etat-providence. Le très conservateur chancelier allemand avait réussi à étouffer les aspirations révolutionnaires en subsidiant un petit système de sécurité sociale géré par les associations les moins vindicatives de la classe ouvrière ou par le paternalisme patronal. Cette architecture interclassiste inventée par le vieil Otto a conquis la Belgique, dont la démocratie chrétienne a façonné notre modèle social.
La preuve : aujourd’hui, en Belgique, le plus grand syndicat est démocrate-chrétien. Et le ministre fédéral de l’Emploi aussi.
Or, il se fait que la CSC, son histoire plus que centenaire et ses presque deux millions d’affiliés, souffrent de graves troubles financiers. La faillite de Dexia, dont elle était actionnaire via le groupe Arco, lui-même liquidé, lui coûte des dizaines de millions d’euros. En outre, les exclusions du chômage privent le syndicat de certaines des ressources nécessaires à son fonctionnement. Pendant des mois, l’entreprise CSC négocie avec les délégations CSC un plan d’économies qui prévoit la réduction du nombre d’emplois. Le compromis envoie 103 travailleurs en pension anticipée et accorde à 123 autres un crédit-temps à partir de 55 ans.
Or, il se fait aussi que pour pouvoir adopter ces mesures qui mobilisent des ressources de la Sécurité sociale, il faut se voir reconnaître le statut d’entreprise en difficulté ou en restructuration. Cela permet notamment de déroger à l’obligation de remplacer les salariés qui partent à la prépension et en crédit-temps.
Or, il se fait encore que pour accéder à ce statut, il faut faire passer deux étapes à un dossier qui démontre, bilan à l’appui, la nécessité de cette reconnaissance.
D’abord, une commission ad hoc statue, composée de treize personnes : cinq représentants des organisations syndicales, autant des organisations patronales, et trois du gouvernement fédéral. Le dossier est accepté sauf si un partie s’y oppose. Ce que n’ont fait, le 1er février dernier, ni le représentant de la CSC, ni aucun des douze autres apôtres. Un cadeau ? « Non », affirme Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC. Vu le contexte actuel, le banc patronal ne se serait pas privé d’intervenir, et d’ailleurs il l’a fait, puisque notre dossier » prépensions » est passé en septembre, tandis qu’il a fallu attendre février pour faire avaliser celui des crédits-temps… »
Ensuite, le ministre de l’Emploi contresigne l’accord. Pour l’occasion, le CD&V Kris Peeters, chargé par son parti de maintenir le contact avec les interlocuteurs sociaux, et en particulier avec le syndicat chrétien. Un cadeau ? « Non, déclare-t-on au cabinet Peeters, la décision a été prise car la CSC a suivi la procédure et répond aux critères. » « Le ministre doit valider ce que dit la commission, point », ajoute Marie-Hélène Ska. La loi le prescrit, en effet. Mais des accommodements sont envisageables : tout récemment, à la tribune de la Chambre, le Premier ministre Charles Michel engageait son gouvernement à surveiller tout particulièrement un éventuel dossier de cette espèce présenté par BNP Paribas-Fortis…
Un syndicat démocrate-chrétien qui introduit une demande, des représentants du syndicat démocrate-chrétien qui l’examinent, et un ministre démocrate-chrétien qui la valide : Otto von Bismarck disait de la politique qu’elle n’était pas une science exacte. La Belgique trouve parfois de quoi réduire cette incertitude.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici