Trop d’églises à Bruxelles?
» Touche pas à mon clocher » clament des groupes de chrétiens hostiles à toute fusion de paroisses. Ils accusent l’évêque de Bruxelles de préparer » en catimini » un plan de fermeture d’églises de grande ampleur. Craintes fondées ?
Ciel d’orage sur l’Eglise de Bruxelles. Très remontés contre Mgr Jean Kockerols, évêque de la capitale, des groupes de chrétiens de différentes paroisses l’accusent de vouloir fermer un tiers, la moitié, voire « la plupart » des églises bruxelloises. Des voix parmi les défenseurs du maintien de tous les clochers de la ville nous assurent que le tempo de ce plan de fusions de paroisses s’est accéléré, en toute discrétion. « Si ce projet de remodelage n’a pas encore fait grand bruit parmi les catholiques, c’est parce la plupart des curés, leurs équipes paroissiales et les fidèles en sont tenus à l’écart, assure l’un des animateurs de la contestation. Un cléricalisme autoritaire est à la manoeuvre. »
Les prises de position de ces « citoyens chrétiens » sont relayées par des sites cathos tendance « tradi », et certains de ces opposants ne cachent pas leur proximité avec la mouvance conservatrice chère à l’ex-archevêque André Léonard. Leur combat prend ainsi une nouvelle dimension, quatre ans après le bras de fer autour du sort de Sainte-Catherine. Faute de fréquentation suffisante, l’église du Marché aux poissons avait été fermée, avec l’aval de Mgr Kockerols. La Ville de Bruxelles envisageait de la transformer en marché couvert. Toutefois, des fidèles se sont mobilisés pour réclamer sa réouverture, obtenue en 2014 sur décision unilatérale de Mgr Léonard, qui y a installé trois prêtres de la très controversée Fraternité des Saints-Apôtres.
Au-delà de cette agitation, y a-t-il péril en la demeure du Seigneur ? Selon les autorités écclésiales, l’intention de Mgr Kockerols est de parachever la réorganisation du vicariat en unités pastorales, réforme lancée il y une dizaine d’années déjà par l’évêque de Bruxelles de l’époque, Jozef De Kesel, aujourd’hui archevêque. Objectif du plan Kockerols : concentrer les célébrations et activités principales dans des églises centrales, afin d’accroître leur attractivité et leur dynamisme. Une vie paroissiale complète ne serait plus assurée que dans ces églises phares. D’autres églises, historiques ou symboliques, garderaient uniquement les célébrations dominicales. Enfin, les églises périphériques faiblement fréquentées, peu accessibles et trop coûteuses en frais d’entretien et de chauffage perdraient toute célébration en français d’ici trois à cinq ans.
L’argument financier
Pour justifier son projet, Mgr Kockerols insiste sur « la nécessité d’être proactifs. Il s’agit de passer à une étape suivante, en montrant une Eglise responsable et en phase avec sa propre réalité. » Il évoque « le poids d’un patrimoine religieux pensé dans une autre ère, où l’Eglise était dominante ». Réplique de ses adversaires, rencontrés par Le Vif/L’Express : « Le nombre de pratiquants augmente et les communautés chrétiennes étrangères se multiplient. » Nos interlocuteurs rejettent l’argument financier. Ils insistent sur la portée sociale du travail des équipes paroissiales et sur le « faible coût » des églises dans les budgets régionaux et communaux : 1 euro par an par habitant pour la restauration par la Région des églises classées, et 0,3 % des budgets des communes bruxelloises pour combler les déficits cumulés des fabriques d’églises. « En revanche, préviennent-ils, les réaffectations d’églises sont très onéreuses. »
Selon eux, le projet du vicariat aura des conséquences inverses de celles espérées : « Créer des entités paroissiales de plus en plus vastes – une ou deux seulement par commune – va éloigner les églises des gens, diminuer le nombre de fidèles et pénaliser davantage les moins mobiles et les plus pauvres. » Face aux critiques, l’évêque de Bruxelles a finalement accepté de sortir de sa réserve. Mais il avance sur un terrain quelque peu miné par Mgr Léonard.
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