Groupe du vendredi
Social Impact Bond: état des lieux
L’austérité imposée par la crise économique amène les états dans une impasse: leur budget diminue alors que les besoins d’aide sociale restent criants et se font sentir dans les secteurs de l’emploi, l’éducation, l’intégration sociale et la justice.
De son côté, le monde associatif peine à trouver les financements nécessaires à ses activités, voire même à sa survie. Les ASBL sont fortement dépendantes de subsides. Selon le baromètre de la Fondation Roi Baudouin, plus d’un quart d’entre elles s’attendent à une forte détérioration de leur situation financière, passant pourtant 20% de leur temps à la recherche de financements.
Par ailleurs, le secteur des investissements sociaux connaît une croissance importante. Un sondage réalisé par Global Impact Investing Network (GIIN) – un réseau d’investisseurs sociaux – et JP Morgan, a valorisé le secteur à plus de $60 milliards en 2014.
Ces tendances conduisent à un intérêt grandissant pour les Social Impact Bonds, (SIB’s), un instrument financier à but social mis en place dès 2010 au Royaume-Uni.
Qu’est-ce qu’un SIB ?
C’est un partenariat entre une entité publique, un investisseur privé et une ASBL qui a pour objectif de répondre à une problématique sociale critique. Un exemple : en Belgique, des investisseurs sociaux ont commencé en 2014 à financer les opérations d’une ASBL visant à favoriser la mise à l’emploi de jeunes issus de l’immigration, par la mise en place d’un coaching intergénérationnel entre le demandeur d’emploi et des préretraités bénévoles. Si l’ASBL atteint les objectifs prédéfinis par le partenaire public compétent en la matière, celui-ci remboursera les investisseurs avec un intérêt en utilisant pour cela une partie du gain généré par le programme social pour l’entité publique via une diminution du nombre de personnes au chômage.
Un SIB est donc un instrument au travers duquel un investisseur social finance une intervention mise en place par une ASBL qui tente de prévenir certains problèmes sociaux engendrant des coûts importants pour les services publics. L’efficacité est évaluée par un évaluateur indépendant, le partenaire public remboursant l’investisseur seulement si le programme atteint les seuils de réussite prédéfinis par le partenaire public. Si les objectifs ne sont pas atteints, l’investisseur perd tout ou partie de sa mise. La problématique sociale est choisie par le partenaire public. Elle est telle que l’état n’utilise pour le remboursement de l’investissement qu’une partie de l’économie qui lui est générée par le programme en cas de succès, sortant donc du mécanisme avec un solde net budgétaire positif. De plus, le risque financier est externalisé auprès de l’investisseur social, puisque le partenaire public ne rembourse l’investissement qu’en cas de succès: l’argent du contribuable est donc utilisé à bon escient, et non investi à risque dans des projets sociaux à efficacité non encore démontrée. Bref, un deal avec zéro risque pour l’état.
La structure SIB encourage l’innovation sociale en soutenant des projets nouveaux et prometteurs qui – en temps normal – auraient du mal à obtenir des subsides vu leur efficacité incertaine. L’implication de l’investisseur social crée aussi une dynamique vertueuse en amenant l’attention de tous sur la performance, évaluée par rapport à une obligation de résultat plutôt que de moyens, offrant plus de flexibilité à l’ASBL dans la mise en oeuvre de son programme.
Un SIB n’est-il pas une ingérence du privé dans des prérogatives publiques ? Non car ce sont les pouvoirs publics qui choisissent la problématique sociale traitée et les investisseurs sociaux n’interviennent pas dans le fonctionnement de l’ASBL. Le rôle du privé se limite à mettre son capital à disposition pour tester des programmes sociaux pouvant être repris par l’état en cas de succès, et à favoriser la mise en place d’un suivi de performance à travers entre autres la gestion de collection de données.
Quelles premières leçons ?
De la réhabilitation de prisonniers à haut risque de récidive jusqu’à l’amélioration des résultats scolaires d’adolescents défavorisés, les SIB’s touchent de nombreux problèmes de société. 44 SIB’s ont été lancés ces 5 dernières années, surtout au Royaume-Uni. Certains ont déjà pu générer des résultats intéressants.
Si d’aucuns, tel que Rikers Island aux Etats-Unis sur la récidive de prisonniers, n’ont pas atteint leurs objectifs prédéfinis, ils démontrent l’avantage de l’externalisation du risque auprès de l’investisseur: la ville de New York n’a en effet pas dû débourser un dollar pour tester ce programme, épargnant ainsi l’argent des contribuables. D’autres, comme le Teens & Toddlers au Royaume-Uni, visant à prévenir le décrochage scolaire, remportent un succès grandissant et montrent l’utilité d’avoir accès à cette nouvelle ressource de financement social qui permet de tester plus de projets sociaux et à plus grande échelle.
Prochaine étape: concrétiser !
Les problèmes sociaux ne manquent pas, hélas, certains ne faisant d’ailleurs qu’augmenter. Les deniers publics restent sous très forte pression, avec une limitation des budgets sociaux comme conséquence. Par contre, les investisseurs veulent de plus en plus investir de manière responsable. Aux pouvoirs publics belges donc d’oser s’engager dans cette voie et d’adopter ce mécanisme prometteur. Les SIB ne sont encore qu’émergents, mais l’ingéniosité avec laquelle ils financent l’innovation sociale, sans risque ni coût pour les pouvoirs publics, et la dynamique constructive qu’ils créent en rassemblant les secteurs public, privé et associatif autour d’un même projet méritent de se pencher sur ce nouvel instrument de financement social capable d’améliorer le sort des plus vulnérables.
Aline Buysschaert
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