Qui détient le pouvoir en Région bruxelloise ?
Dans l’ombre du gouvernement Vervoort, la régionale bruxelloise du PS est toute puissante, sous la houlette de Laurette Onkelinx. Les autres partis pèsent beaucoup moins lourd. Mais d’autres personnalités comptent et exercent une influence grâce aux réseaux qu’elles se sont tissés. Enquête.
« Croire que les patrons tirent les ficelles à Bruxelles, c’est être complètement à côté de la plaque. Les vrais décideurs, aujourd’hui, sont politiques et non économiques. Ils donnent l’impulsion, les privés suivent ensuite. » Baudouin Velge, le patron du Cercle de Lorraine, voit régulièrement défiler le gratin bruxellois. Ceux qui comptent. Ou qui aimeraient compter. Ils sont actifs en politique, dans l’entrepreneuriat, la culture, l’immobilier ou le sport.
Au centre de l’échiquier, les politiques. Ce sont eux qui détiennent les clés du développement bruxellois. Et à ce petit jeu, une évidence pour beaucoup : le Parti socialiste est devenu tout puissant. Un poids acquis par le biais de ses derniers succès électoraux, même relatifs. Mais par défaut aussi : les autres partis francophones pèsent aujourd’hui moins lourd que par le passé.
De quoi permettre aux socialistes d’être présents pratiquement partout. Sans tabous. « Le monde économique n’hésite plus à côtoyer le PS, estime Alain Deneef, intendant du Brussels Metropolitan et l’un des lobbyistes en vue. La situation en est même devenue paradoxale puisque le MR, dans l’opposition, est presque davantage un frein au développement économique de la capitale que les socialistes. Ces derniers ont besoin de croissance économique pour financer leurs politiques et créer de l’emploi. »
Neo, le projet de réaménagement du plateau du Heysel, en est le meilleur exemple, avec un budget cumulé de plus d’un milliard d’euros en plusieurs phases. C’est le PS qui est à l’impulsion – en l’occurrence celui de la Ville de Bruxelles suivi, à l’époque, par le cabinet Picqué à la Région. Et c’est le PS qui a convaincu les autres partis, dont l’Open VLD incarné par Guy Vanhengel à la Région, et le MR par Alain Courtois à la Ville.
Dans la capitale, le pouvoir se décline à plusieurs niveaux : le gouvernement régional (bâti sur une coalition PS-CDH-FDF-Open VLD-CD&V-SP.A depuis 2014), les communes (certaines, comme la Ville de Bruxelles, pesant nettement plus lourd que d’autres) et les OIP ou Organismes d’intérêt public (CityDev, Stib, SRIB, SAF, etc.). Le fédéral intervient également à travers Beliris, structure qui vise à financer des projets d’envergure.
Une personne chapeaute (presque) tout ce petit monde : l’ex-vice-Première Laurette Onkelinx. Dans l’ombre, la présidente du PS bruxellois dicte la marche à suivre à travers ses différents relais. A la Région, elle forme un axe fort (mais occulte) avec le ministre président, Rudi Vervoort (PS), et le ministre des Finances, Guy Vanhengel (Open VLD). Ce dernier, pur Flamand de Bruxelles à laquelle il est très attaché, est un maillon important du gouvernement depuis plusieurs législatures (malgré un passage par le fédéral entre 2009 et 2011). Il est de tous les dossiers et sert de courroie de transmission avec le fédéral, les autres partis flamands et même le MR.
Un échelon plus bas, la Ville de Bruxelles est une commune à part. Sur son territoire, elle concentre pratiquement tous les projets d’envergure. Région et Ville se consultent sans cesse. Le bourgmestre, Yvan Mayeur, et l’échevin Philippe Close y sont incontournables. L’échevin Alain Courtois y est un homme écouté. Quant aux structures pararégionales, dont les OIP, elles restent politisées. Leur influence est relative même si les postes dirigeants y font l’objet d’âpres négociations.
Une chose est sûre : tous les acteurs de l’immobilier et du développement économique doivent composer avec cette donne politique. Mais il n’est plus question d’opacité, de dessous de table, ni de favoritisme, les relations dangereuses entre les mondes économique et politique, qui défrayaient la chronique dans les années 1970 et 1980, appartiennent au passé. Le secteur de l’immobilier a été nettoyé, c’en est fini des appels d’offre bidouillés. Les plus ambitieux émergent « à la loyale ». Parmi eux, les développeurs Atenor et Allfin, notamment.
Sur le plan économique, quelques hommes forts jouent les entremetteurs. Jean-Claude Daoust (Daoust Interim), Olivier Willocx (Chambre de commerce et d’industrie de Bruxelles – Beci) ou encore Bruno Wattenbergh (Impulse) en font partie. Ils servent de relais entre les différents acteurs, y compris syndicaux : certains se chargent de consulter les partenaires sociaux au sein du Groupe des 6 (CSC-FGTB-CGSLB-patrons-classes moyennes), une structure qui pèse sur les débats.
Xavier Attout et Philippe Berkenbaum
L’enquête dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :
– L’aménagement urbain repris en mains ?
– Laurette, madame Bruxelles
– Yves Goldstein, le missi dominici
– Les miettes des autres partis
– Patrons, syndicalistes, économistes, artistes, sportifs : tous ceux qui tirent les ficelles
– Etiennes Davignon : « En cas de problème, on appelle le ministre »
– Immobilier : les investisseurs sont de retour sur le marché du bureau
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