Des bénévoles au parc Maximilien en octobre 2015. © BELGA

« Ne pénalisez pas notre humanité ! »: la lettre ouverte des deux journalistes inculpées de trafic d’êtres humains à Charles Michel

Deux journalistes belges, Anouk Van Gestel et Myriam Berghe, sont inculpées d’association criminelle et de trafic d’êtres humains. Elles risquent la prison en raison des aides qu’elles ont apportées à des migrants en transit. A la veille de leur procès qui s’ouvre ce 6 septembre à Bruxelles, elles ont désiré adresser une lettre au Premier ministre.

Alexis Deswaef, l’avocat d’une des journalistes inculpées, rappelait dernièrement sur notre site que le « délit de solidarité n’existe pas en Belgique » et que « l’exception humanitaire est beaucoup plus large qu’en France ». La loi précise toutefois qu’aider un étranger à l’entrée, au séjour ou en transit sur le territoire ou vers un autre état membre de l’EU est punissable.

Ce premier jugement en Belgique pourrait faire jurisprudence dans un contexte tendu de politique migratoire et d’intensification de la répression policière envers les migrants. En début d’année, un projet de loi visant à autoriser les visites domiciliaires en vue d’arrêter une personne en séjour irrégulier sur le territoire belge, et cela jusque chez les personnes qui les hébergent par solidarité, avait suscité de nombreuses réactions et divisé au sein même de la majorité.

A la veille de l’ouverture de ce qu’elles nomment le « procès de la solidarité », Anouk Van Gestel et Myriam Berghe ont désiré adresser une lettre ouverte au Premier ministre afin de l’enjoindre à ne pas « pénaliser leur humanité ». La voici.

Lettre ouverte au premier Ministre, Monsieur Charles Michel: Ne pénalisez pas notre humanité !

Dans quelques jours débutera notre procès. Le fait d’écrire ce simple mot renvoie à ce que nous avons vécu de pire dans notre vie : 11 mois de procédure, d’humiliation, d’attente, de désespoir, d’espoir et, finalement, de colère. Est-il acceptable que, dans un pays qui se dit être une démocratie, deux citoyennes se retrouvent inculpées d’association criminelle et de trafic d’êtres humains avec la circonstance aggravante qu’il s’agit de mineurs, parce qu’elles ont ouvert leur porte à des personnes en état de détresse absolue? On nous reproche un délit de solidarité. Faut-il vous rappeler que le délit de solidarité n’existe pas juridiquement en Belgique. Tant qu’il n’y a pas de contrepartie directe ou indirecte, il n’y a pas de possibilité d’incriminer. Nous sommes couvertes, en principe, par l’immunité humanitaire. Seulement, vous n’êtes pas sans le savoir, les agissements du Secrétaire d’Etat à la migration poussent la justice à poursuivre les personnes aidantes. L’objectif : décourager les potentiels hébergeurs et geler tout élan de solidarité. Un procès politique, alors? Oui, pour aller chercher les voix de l’extrême droite. Miser sur la peur, incriminer les migrants pour justifier les manquements de votre gouvernement et fermer les yeux sur une crise migratoire qui devrait trouver d’autres solutions que des frontières qui se ferment et des enfants qu’on enferme. La solidarité ne peut devenir un crime, au risque de renier notre et votre humanité.

La Belgique solidaire et accueillante existe, nous voulons aussi la voir représentée par son gouvernement.

Myriam Berghe et Anouk Van Gestel

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