Carte blanche
« Monseigneur De Kesel a rejoint les rangs des chrétiens à ce point impressionnés par l’islam qu’ils s’en inspirent »
L’hésitation à se déclarer chrétien ouvertement et sans se gêner n’est pas une défaillance, mais une qualité », répond Dick Wursten de l’Église protestante unie de Belgique aux propos de l’archevêque Jozef De Kesel parus la semaine dernière dans Knack et publiés en partie sur LeVif.be.
Depuis que l’islam revendique sa position dans la société laïque – il en a le droit et peut l’exiger en vertu de notre Constitution incomparable – no need for change – j’entends de plus en plus de chrétiens dire des choses comme : « C’est beau quand même, le courage qu’ont les musulmans d’exprimer leur foi ! » (sous-entendu : nous devrions faire de même). Je vois également la création de toutes sortes d’alliances entre des conservateurs issus de confessions diverses autour de sujets éthiques tels que le mariage gay, l’avortement, l’euthanasie, les questions de genre -sans oublier -l’abattage rituel et le port du voile (l’alliance judaïsme – islam).
Monseigneur De Kesel a rejoint les rangs des chrétiens à ce point impressionnés par l’islam qu’ils s’en inspirent. Il déclare par exemple : « Le plus grand défi de notre Église, c’est de trouver sa place dans cette société laïque. La société occidentale n’a jamais été aussi laïque, mais en même temps la religion n’a jamais été aussi présente que maintenant. En partie grâce à l’islam, car celui-ci a favorisé le retour de la religion ».
Et au sujet de l’Église du futur:
« Ce sera une Église plus petite, mais – et c’est beaucoup plus important – ce sera une Église plus pratiquante, une Église sûre d’elle. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont honte de leur foi. Quand on demande à quelqu’un s’il est chrétien, il répond en hésitant : ‘Oui, mais…’ On pratique sa religion avec une certaine réserve. À l’avenir, les chrétiens seront plus sûrs d’eux, mais sans devenir arrogants ».
En tant que protestant, c’est-à-dire en ne parlant que pour moi, même si je fais partie de la tradition chrétienne, j’aimerais me distancier de ces propos. Je ne trouve pas que ce soit un progrès, mais une régression. Je ne souhaite pas de croyants sûrs d’eux, qui affirment leurs convictions religieuses et demandent à la société une reconnaissance de leur comportement. Et qui ensuite vous regardent de travers si vous faites une remarque, sous prétexte de « liberté de culte » et de « respect ».
J’étais content que l’Église ait évolué au 20e siècle, et que nous soyons devenus plus modestes dans nos exigences. C’est en comprenant la religion et la foi comme une tentative humaine particulièrement complexe de donner un sens à l’existence que j’ai recommencé à l’apprécier.
On cherche un sens à l’existence en entamant un dialogue à la fois historique, critique et créatif avec les histoires anciennes. Au culte, j’ai vu à quel point les symboles, les rituels et la musique sont importants quand il s’agit de structurer sa vie, de lui donner un sens et une perspective. Le dogme a dû faire de la place à l’éthos. Le culte était enchâssé dans une culture large – donc aussi incertaine et expérimentale que cette culture – et l’aspect religieux de l’identité était ouvert au changement et à l’interrogation. Ces croyants-là ne détiennent pas le monopole de la vérité, ils n’ont pas Dieu en poche et ils sont toujours à la recherche d’un sens de leur vie. Ils sont avides d’apprendre et centrés sur le dialogue.
Hésiter et chercher
Autrement dit: une approche herméneutique des textes bibliques (mise en contexte) et de l’homme contemporain (les sciences humaines ont été prises au sérieux) a remplacé une lecture anti-historique d’anciens textes et leurs règles de comportement.
Ce que dénonce Monseigneur De Kesel, l' »hésitation » de s’afficher sans honte comme chrétien et la « réserve » de la confession, est liée à ce développement. Je ne trouve donc pas que ce soit une défaillance, mais une qualité de la chrétienté actuelle. Je préfère mille fois les chrétiens (et les musulmans, etc.) hésitants et qui se cherchent aux « chrétiens sûrs d’eux » et je ne sais pas quels autres groupes religieux qui revendiquent leurs intérêts dans la société. Il me semble que pour la société non plus, ce n’est pas un progrès.
Dick Wursten est pasteur à l’Église protestante unie de Belgique. Il est théologien et historien à Anvers et inspecteur et conseiller pédagogique pour l’enseignement protestant évangélique.
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