Mgr Delville : « Sans police mondiale de l’environnement, c’est le chaos »
« Seule une police de l’environnement créée par une autorité politique mondiale permettra d’éviter le chaos », estime l’évêque de Liège Mgr Delville, en écho au cri d’alarme du pape François sur l’état de la planète.
Mgr Jean-Pierre Delville, évêque de Liège, ne tarit pas d’éloges sur « Laudato si« , l’encyclique environnementale du pape François, présentée officiellement le 18 juin. Le prélat adhère sans réserve à la notion nouvelle d’ « écologie intégrale », qui prend en compte toutes les dimensions de la vie humaine, en particulier le sort des plus pauvres. Rencontre avec le plus « bergoglien » des évêques belges.
LEVIF.BE :A moins de six mois du sommet mondial sur le climat, l’encyclique du pape François, qui appelle à agir au plus vite pour sauver la planète, aura-t-elle un impact sur les décideurs ?
Mgr Delville Des hommes et femmes politiques de tous pays vont lire ce texte, qui peut les conscientiser. Ils auront notamment entendu l’appel du pape à créer une autorité politique mondiale pour régler les questions liées à l’avenir de l’humanité. Cela va leur donner l’envie qu’émerge un jour cette direction globale du monde, instance internationale qui pourra mettre en place une police environnementale planétaire. Sans présence de la police, ce serait le chaos dans nos villes. Mais à l’échelle mondiale, il n’y a pas de police, et c’est donc le chaos, en particulier sur le plan de l’écologie.
Un gouvernement mondial, une police planétaire… N’est-on pas en pleine utopie ?
L’idée peut sembler utopique, mais elle est clairement formulée par le pape François, et c’est un premier pas. Les situations d’injustice et d’exploitation indue des ressources naturelles nécessitent une intervention politique au niveau mondial. Nos politiciens peuvent s’inspirer de ce projet, ce qui les amènerait à s’élever un peu au-dessus des politiques à courte vue. Jean-Paul II avait déjà plaidé pour la création d’une « civilisation de l’amour ». L’expression était un peu vague. Dans son cri d’alarme sur l’état de la planète, le pape François va plus loin, est plus précis. Son encyclique me fait penser à la 5e symphonie de Beethoven : elle réunit tous les aspects de la crise écologique et développe les thèmes du tragique et du mystique, des ombres et des lumières, des incohérences et de l’espérance.
Que vous inspire la notion nouvelle d’ « écologie intégrale » proposée par le pape François ?
Le mot « intégral » est cher au magistère de l’Eglise depuis le début du XXe siècle. Il fait référence à la notion d' »humanisme intégral », développée par le philosophe Jacques Maritain. Cette vision globalisante est pour la première fois appliquée à l’écologie. La grande intuition qui traverse tout le document du pape est que la crise écologique doit être mesurée à ses répercussions sur la vie humaine, et surtout sur le sort des plus pauvres. Ce sont les premières victimes de la dégradation de la planète. Ils souffrent du manque d’eau, des changements climatiques, des crises économiques, de la destruction des ressources naturelles au profit des monocultures. Par son origine argentine, le pape François est plus préoccupé qu’un Européen par les questions liées à la déforestation, au devenir de millions de paysans sans terre indiens… Son encyclique est très marquée par sa « griffe » personnelle, par son expérience d’archevêque de Buenos Aires. Ce n’est pas un texte dont la rédaction aurait été confiée à des spécialistes et qu’il n’aurait fait que signer, avec de simples petits ajouts. En revanche, le pape s’inspire beaucoup des contributions d’épiscopats locaux : Japon, Brésil, Mexique, République Dominicaine, Canada, Nouvelle-Zélande… Il met ainsi en valeur le travail des églises locales.
Une encyclique peut-elle vraiment faire bouger les lignes ?
J’en suis persuadé. « Rerum Novarum« , l’encyclique du pape Léon XIII qui dénonce, en 1891, la misère qui pèse sur une grande partie de la classe ouvrière et les excès du capitalisme, a débouché sur la création des syndicats chrétiens, des partis ouvriers chrétiens, de très nombreuses coopératives… Le texte a bouleversé un monde social-chrétien jusque-là très paternaliste. De même, le texte du pape François sera étudié et exploité. Il est global, politique, mais il trace aussi des pistes personnelles destinées à chacun d’entre nous. Des lignes directrices seront définies dans les instances internationales du Vatican et seront défendues par des groupes de pression dans le monde entier.
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