Matthias Storme : « En Belgique, on confond la morale et le droit »
Bombarder au Centre interfédéral pour l’égalité des chances un adversaire résolu de la législation anti-discrimination est un geste calculé de la N-VA. Rencontre-découverte avec Matthias Storme.
Son parti vient de l’envoyer, sur le quota régional flamand, au conseil d’administration du Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Cette institution, à laquelle Matthias Storme n’a jamais voué une affection débordante, a été recentrée sur la lutte contre les discriminations, tandis que le nouveau Centre fédéral de la migration reprenait, lui, l’étude des flux migratoires, du droit des étrangers et de la traite des êtres humains. Dorénavant, ces institutions doivent agir « dans une optique de développement collectif et un esprit de dialogue, de collaboration et de respect ». Très critique à l’égard de la législation anti-discrimination, l’avocat Matthias Storme sera-t-il le loup dans la bergerie ?
Le Vif/L’Express : Votre nomination au Centre interfédéral pour l’égalité des chances a été très critiquée. Qu’allez-vous faire de cette nouvelle fonction ?
Matthias Storme : La politique de la N-VA est de désigner des experts dans les organismes auxquels le parti accède. Juriste spécialisé dans les questions constitutionnelles et de droit privé, j’avais le profil. L’accord de gouvernement prévoit une évaluation du fonctionnement des lois anti-discrimination. Nous allons d’abord voir comment cela fonctionne et, ensuite, peut-être, émettre des suggestions. Quelles sont les priorités ? On a beaucoup de lois. C’est presque impossible pour un citoyen de les respecter toutes. Tout le monde a le droit de proposer des changements mais tant que le droit n’a pas été modifié, on doit le respecter.
En 2004, vous avez critiqué la condamnation pour racisme du Vlaams Blok. Etait-ce au nom de votre opposition de principe à la législation anti-discrimination ?
Nos grandes libertés constitutionnelles sont inscrites dans la colonne du Congrès : presse, enseignement, religion, association. La Constitution belge de 1831 est une merveille, sauf sur un point : elle a renoncé à la forme de confédéralisme qui prévalait dans nos régions avant la Révolution française. A part cela, c’est une très belle Constitution. Elle ne consacre pas un « droit à la liberté de » mais elle déclare que, dans ce pays, les libertés profitent à la société et pas seulement à l’individu. Cette idée selon laquelle les libertés sont des valeurs communes, socialement utiles, s’est cristallisée durant le Siècle des Lumières. Loin de rejeter cet apport, le conservatisme américain a toujours défendu les libertés fondamentales. Les documents préparatoires au concile Vatican II montrent à quel point les jésuites américains ont influencé l’Eglise catholique. Celle-ci a non seulement accepté la liberté de religion mais, de plus, elle lui a accordé une grande valeur éthique.
Pour préserver ces libertés, il faudrait donc accepter qu’on en abuse ?
En effet, les abus doivent être considérés comme un moindre mal au regard du bénéfice que la société retire de l’exercice des libertés. La tolérance, ce n’est pas tolérer le bien, c’est tolérer un moindre mal. La tolérance est plus morale que l’interdiction car elle sauvegarde la liberté. Je ne remets pas en cause les libertés fondamentales, je les défends. Il est évident que, dans l’ordre moral, il faut promouvoir le bien et défendre le mal. Mais, en se trompant de registre, en confondant la morale et le droit, la législation anti-discrimination met en péril nos libertés constitutionnelles. Ce principe de liberté ne s’applique qu’aux particuliers et à la société civile. En effet, un patron doit être libre de choisir ses employés au mieux de ses intérêts car, dans le cas contraire, c’est lui qui en supporte les conséquences. Mais l’Etat et les services publics se doivent de traiter chacun sur pied d’égalité.
L’intégralité de l’interview dans Le Vif/L’Express de cette semaine
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