Loi anti-burqa: comment un faux problème peut en devenir un vrai
Maintenant que la cour constitutionnelle a confirmé la loi anti-burqa, il n’est pas exclu que certaines communes engagent des « chasseurs de burqa », de la même façon qu’elles préposent des fonctionnaires aux sanctions communales administratives. C’est l’avis du magistrat honoraire Jan Nolf.
La Cour constitutionnelle approuve la loi anti-burqa. Celle-ci n’est en contradiction avec la constitution. La burqa peut être interdite sauf dans les lieux de culte, même si ces cultes ont lieu en public ou à l’intérieur de bâtiments accessibles au public. Trois questions au magistrat honoraire Jan Nolf.
Cet arrêt était-il prévisible?
Jan Nolf: En fait oui. La Chambre a voté presque unanimement. Même Groen a louvoyé entre les voix contre et l’abstention. Après le Sénat n’a même pas pris la peine d’étudier la loi. Cette situation illustre que toute une partie du monde politique ne voyait pas de points de rupture fondamentaux. La seule personne ayant voté contre, Eva Brems (professeur en droits de l’homme à l’Université de Gand) argumente que l’interdiction n’aide pas les femmes, mais les abandonne et qu’elle ne punit pas les hommes dominants.
Si les femmes restent chez elles parce qu’à l’extérieur elles ne peuvent pas porter de burqa, il s’agit d’une décision personnelle sur base de motifs religieux, déclare la Cour Constitutionnelle dans la motivation de l’arrêt.
Jan Nolf: Ce passage doit être correctement interprété: premièrement, la cour reconnaît très clairement que le port de la burka par une femme peut être « un choix religieux réfléchi ». En conséquence, ce droit est donc reconnu. Cela explique aussi que la Cour affirme que la loi « due au caractère général de sa formulation peut constituer une ingérence dans la liberté de conscience et la religion des femmes portant un voile intégral ». La Cour est d’avis que « dans la sphère publique l’égalité des sexes peut s’y opposer » parce que la burka est destinée uniquement aux femmes. En se rangeant du côté de ce « principe de l’égalité entre homme et femme », l’arrêt ouvre peut-être de nouvelles pistes de réflexion.
La Cour Constitutionnelle ne rend-elle pas impossible le contrôle de l’interdiction de la burqa en y joignant des conditions ? Sur base de quels critères un agent de police peut-il constater si quelqu’un participe ou non à un culte ?
Jan Nolf: La Cour ne pouvait pas tolérer l’interdiction sans introduire cette limitation pour protéger la liberté religieuse de la femme qui fait ce choix. La possibilité de « contrainte » n’a pas non plus été perdue de vue. La Cour indique que selon la règle générale de l’article 71 du Code pénal il n’existe pas de délit dans le chef de la femme : dans ce cas-là, elle devient en effet la victime. L’exception pour les « lieux réservés au culte » est une définition très limitée. Si par exemple on prie dans la rue suite à un manque de mosquées ou de mosquées bondées, cela ne fait pas de la voie publique un « lieu destiné au culte ».
EE
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