Levée du secret professionnel des travailleurs sociaux: le cdH rejoint la majorité
La commission temporaire Lutte contre le terrorisme a adopté vendredi, majorité et cdH contre PS et sp.a la proposition de loi qui imposera aux travailleurs sociaux de fournir au procureur du roi les renseignements administratifs jugés nécessaires à une enquête terroriste, et à signaler des informations dignes de constituer des indices sérieux d’une infraction terroriste.
« Nous sommes extrêmement attentifs au secret professionnel mais nous sommes également attentifs à ce que la lutte contre le terrorisme soit efficace. Nous avons vu à quel point la question de la transmission des informations avait fait défaut (lors des attentats de Bruxelles et de Paris). Cette question constitue un enjeu central pour l’avenir. Elle doit concerner les services publics, le renseignement et la police, mais également les acteurs sociaux et les institutions de sécurité sociale », a justifié le député Georges Dallemagne.
Le député centriste s’est félicité d’avoir obtenu que le texte soit recentré sur les infractions terroristes et que le Conseil d’Etat n’y ait pas vu de problème de légalité, laissant à l’appréciation du législateur de juger de la proportionnalité. Enfin, le secret médical ne sera pas, lui, visé par les nouvelles dispositions.
La future loi est en revanche loin de rassurer l’opposition socialiste. Le député Eric Massin (PS) s’est même dit particulièrement inquiet par la tournure des événements après l’annonce faite jeudi par le ministre de l’Intégration sociale Willy Borsus d’élargir à terme les possibilités de levée du secret professionnel à d’autres infractions graves, au-delà du terrorisme. Président du CPAS de Charleroi, l’élu socialiste a dit craindre que la proposition de loi soit « le cheval de Troie de la disparition complète du secret professionnel dans le chef des représentants des services sociaux ».
Le député sp.a Hans Bonte a fustigé une loi à son sens peu claire, de mauvaise qualité et inefficace, reposant sur une « forme d’hystérie ». Il a jugé qu’en ne définissant pas précisément quels responsables allaient être visés, on risquait de passer à travers l’objectif. Selon lui, des dizaines de milliers de travailleurs des institutions concernées, des services de nettoyage à la réceptionniste et au chef cuisinier, en passant par les conseillers de CPAS, seront placés face à de hautes responsabilités, d’autant plus que le type de renseignements susceptibles d’être transmis n’a pas été précisé. Surtout, a estimé le député-bourgmestre de Vilvorde, en demandant aux travailleurs sociaux de transmettre ces informations au procureur du roi, on va à l’encontre du travail établi par le gouvernement en matière d’échange d’informations dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La circulaire Jambon-Geens fait transiter les informations par la Cellule de sécurité locale intégrale. En matière sociale, on choisit le Parquet, qui est déjà surchargé, surtout à Bruxelles, a-t-il souligné.
Principale auteure de la proposition de loi, la députée N-VA Valérie Van Peel a répondu point par point aux critiques. Une circulaire viendra clarifier la loi, a-t-elle rappelé. Selon elle, il est faux de dire que la loi est floue. « On n’invite pas quelqu’un qui a vu un drapeau quelque part à le dénoncer. On ne demandera pas de rapporter des faits de radicalisme. Simplement, les collaborateurs des services sociaux qui entendraient de quelqu’un qu’il est mêlé à un attentat ou que quelqu’un est sur le point de perpétrer un attentat doit fournir ces renseignements. Il y a eu des problèmes. Nous ne faisons que clarifier la loi de manière à protéger juridiquement ces travailleurs », s’est-elle défendue. Enfin, a-t-elle précisé, il convient d’établir une différence entre, d’une part, les renseignements administratifs qui seront exigés par le Parquet aux institutions, et non pas au personnel individuellement, et, d’autre part, la « possibilité » pour les collaborateurs, à titre individuel cette fois, d’informer le Parquet de faits dont ils auraient eu connaissance en matière de terrorisme.
Hans Bonte a particulièrement épinglé le CD&V qui a fait fi, selon lui, de son engagement social et de sa présence historique dans les CPAS de Flandre. Veli Yüksel a reproché au député socialiste de verser dans la « caricature », singulièrement sur la qualité du personnel qui sera concerné. Le débat a alors pris une autre dimension quand Valérie Van Peel a semblé vouloir le clore en soulignant que bien entendu si « le chef cuisinier d’un département trouvait une bombe dans la soupe, il devrait le dénoncer ».
Une poignée de travailleurs sociaux présents dans l’espace réservé au public ont affiché qu’ils étaient « assistants sociaux, pas flics ».