Les « Supers », ces citoyens masqués qui s’approprient Bruxelles pour tenter de la rendre plus belle
A Bruxelles, une communauté de citoyens masqués oeuvre au grand jour pour parsemer l’espace public de messages positifs, de fleurs et de jeux de rue. Au bord de l’illégalité, ces Quick et Flupke déguisés en super-héros interrogent, par l’art, notre rapport à la ville. Et à la loi.
Ils marchent fièrement, enfants et adultes mêlés, sous leurs petits bonnets rouges, leurs capes de héros et le soleil urbain. Ils sont une dizaine, ce jour-là, à s’approprier la ville pour tenter de la rendre plus belle : ce sont les Supers. L’initiative est née dans le cadre de la Zinneke Parade, cette manifestation culturelle et festive organisée tous les deux ans à Bruxelles. Cette année, le thème en était » Illégal « . Il n’en fallait pas plus pour que Super Cécile, scénographe, et Super Cris, artiste polyvalente (1), montent un projet forcément en marge de l’habituel défilé de participants costumés et maquillés. Et en marge de la stricte légalité.
En janvier dernier, les deux copilotes du projet lancent leurs premières séances de recrutement, dans des lieux culturels : il leur faut des Supers, des citoyens de tous âges, qui agissent masqués, mais en plein jour, pour égayer la ville grâce à des initiatives qui leur paraissent justes, même si elles sont » gentiment illégales « . Exemple ? Chanter dans la rue, dessiner un jeu de marelle à la craie sur un trottoir, pique-niquer dans l’espace public, habiller les arbres et les statues, danser masqué en rue… Autant d’actions généralement interdites à Bruxelles, même si les règlements communaux peuvent différer légèrement.
» Il s’agit d’inciter les candidats Supers à s’interroger sur la prise en charge de la ville par chacun, en y semant des traces, jolies et simples, bien que laisser un signe dans l’espace public soit interdit, détaille Super Cris. Nous n’agissons pas de nuit, nous voulons être vus : on ne fait rien de mal. » » Chanter en rue, trouvez-vous que cela soit grave ? » interrogent les animatrices. Enfants et adultes en parlent : chanter certes, mais sans déranger, alors, pas n’importe où et pas à n’importe quelle heure. » Le citoyen est capable de se positionner même sans les bornes de la loi, estime Super Cécile. Mais nous ne sommes pas demandeurs d’une ville dans laquelle tout serait permis. »
Les enfants (au-delà de 8 ans) et les adultes qui les accompagnent (obligatoirement) doivent adhérer aux valeurs défendues par Les Supers et accepter – courageusement – de passer à l’action. Une fois prêts à se lancer dans l’aventure, les Supers se mettent en route. Ils emportent entre autres des pochoirs où on peut lire le seul mot » Super « . Et, sur des pavés, murs et parapets de béton, frottent le pochoir à la brosse avec force produit de vaisselle, eau et huile de bras. Résultat : des » Super » apparaissent un peu partout, taches propres dans une ville qui ne l’est pas toujours. Ou tags à la craie liquide, condamnés à une mort certaine.
Lors d’une intervention au pied du palais de justice, les Supers sont interpellés par des policiers en civil. » Nous sommes là pour faire respecter la loi, déclarent-ils, même si nous trouvons votre projet chouette « . Procès-verbal est dressé. Et la discussion, relancée entre Supers : certains ont peur, désormais. Suivent néanmoins un pique-nique sur la Grand-Place, un habillage de statue, un jeu de marelle à la craie sur la place de la Monnaie, des plantations de fleurs, la pose d’un chapeau sur un lion en pierre du bâtiment de la Bourse… Le projet, qui a déjà suscité plus de 500 adhésions individuelles, a largement survécu à la Zinneke Parade et compte bien durer. Hors cadre, disait-on.
(1) Super Cris et Super Cécile tiennent à ce que leur identité reste secrète, comme tous les Supers. Info : https://bit.ly/2MSkIPe
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