« Les jeunes Marocains doivent aider à combattre le racisme »
Hans Bonte, le bourgmestre de Vilvorde, estime que les jeunes Marocains doivent aider à combattre le racisme. « Comment pouvez-vous répondre ça à des jeunes que la société rejette jour après jour ? », répond la créatrice de mode Rachida Aziz. Interview croisée.
Rachida Aziz: Je me moque que mon voisin ne n’aime pas parce que je suis colorée. Il faut arracher ses droits, ne pas essayer de convaincre son oppresseur qu’il a tort. C’est ce que révèlent tous les combats sociaux. Les esclaves non plus n’essayaient pas d’expliquer aux esclavagistes qu’ils n’agissaient pas correctement. Une telle attitude n’aurait eu aucun sens.
Hans Bonte: Aujourd’hui, la grande majorité de la population réalise qu’on vit dans une société très diversifiée et qu’il faut la créer ensemble. Cette attitude me rend optimiste même si on parle encore trop en termes de « nous » et d' »eux ». Tant par les « vrais Flamands » autoproclamés que par les jeunes Marocains de la deuxième ou troisième génération qui se sentent discriminés en permanence.
Aziz: Les blancs continuent en effet à considérer leurs voisins colorés comme « les autres ».
Bonte: Cependant, il y a beaucoup de jeunes Marocains qui pensent comme ça, même si je comprends leurs frustrations : leurs parents sont généralement peu qualifiés, dans l’enseignement ils restent sur la touche et statistiquement, ils courent de grands risques de rester au chômage. Cependant, ce n’est pas une raison pour se cacher dans un coin et se laisser faire. Je dis donc à ces jeunes : « Ne prétendez pas qu’on vous discrimine parce que vous êtes marocains. Vous êtes habitants de Vilvorde ».
Aziz: Vous êtes sérieux là? Ces jeunes sont effectivement discriminés parce qu’ils sont marocains. Pas en tant que Flamands ou habitants de Vilvorde.
Bonte: Je comprends qu’ils mettent en avant qu’ils sont marocains, mais je trouve important de leur dire qu’ils sont l’avenir de notre ville. Qu’ils le veuillent ou pas. Ils doivent donc également contribuer à lutter contre le racisme.
Aziz: Comment pouvez-vous dire ça à des jeunes qui sont rejetés en permanence par la société ?
Bonte: Ce n’est pas le cas de tout le monde. À Vilvorde, les plus grands talents en culture et en sport sont les jeunes Marocains. Tout comme Ish Ait Hamou, qui désire absolument être considéré comme danseur et écrivain et pas comme Marocain.
Aziz: C’est bien possible, mais la très grande majorité est victime du système et je trouve inacceptable que vous accusiez les victimes. Vous sous-estimez les dégâts que provoque la discrimination. Et ensuite, vous dites que ces jeunes doivent lutter contre cette situation ? À quoi cela rime-t-il ?
Bonte: Nous devons lutter ensemble, épaule contre épaule, contre le racisme et la discrimination.
Aziz: Qu’un garçon de couleur universitaire ait sept fois moins de chance de trouver un travail qu’un blanc, prouve tout de même que la participation n’est pas la solution ?
Bonte: Cela prouve uniquement qu’il faut changer le marché du travail. On doit également convaincre les jeunes allochtones qu’ils ont bien un avenir en Belgique. C’est justement parce qu’ils n’y croient plus que certains préfèrent aller se battre en Syrie. On ne peut pas les laisser faire.
Aziz: Ces derniers mois, quelques centaines de jeunes se sont rendus en Syrie, mais chaque année des milliers d’autres se rendent à l’étranger pour la simple raison qu’ils ne trouvent pas de boulot ici alors que beaucoup d’entreprises belges sont obligées de passer la frontière pour trouver du personnel. Si l’Etat avait investi davantage en diversité, on n’en serait pas là.
Ann Peuteman et Jos Geysels
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