« Le cynisme de Facebook atteint des sommets », dénonce la Commission vie privée
La Commission de la protection de la vie privée est « mécontente » de la décision de Facebook de ne plus donner accès à son contenu aux internautes belges qui ne sont pas membres du réseau social.
« Ce n’est pas ce que nous avions demandé », réagit mercredi Willem Debeuckelaere, président de la Commission. « Nous souhaitions que Facebook cesse de suivre les gens qui ne sont pas sur le réseau social. Point à la ligne. Cela semble être un jeu pour eux. »
Willem Debeuckelaere espère que l’argument de Facebook sera considéré comme un « non-sens » par les experts belges et internationaux. Début novembre, le tribunal civil de Bruxelles siégeant en référé avait imposé à Facebook de cesser de suivre via des cookies (appelés « datr ») les habitudes de navigation des internautes belges qui ne sont pas enregistrés auprès de lui. Le réseau social avançait depuis plusieurs mois que ces cookies étaient nécessaires pour la sécurité des internautes, ce qui n’est pas le cas, d’après la Commission vie privée. « Des experts nous ont dit que des systèmes plus performants existent en matière de sécurité. »
Facebook ajoute mercredi que sa décision pourrait aussi « limiter l’accès à des sites comportant des cartes ou des vidéos ». « Le cynisme atteint des sommets », déclare le président de la Commission vie privée. « Il y a effectivement des problèmes avec les cookies sur d’autres sites, mais ils sont simples à solutionner. Pour Facebook, c’est autre chose. »
Selon Willem Debeuckelaere, la décision de Facebook annoncée mercredi s’inscrit dans une tentative de diaboliser la Commission de protection de la vie privée. « Nous n’avions pas demandé cela. J’ai déjà dit précédemment qu’il s’agissait de chantage de la part de Facebook, et je le réitère. »
« Tout le monde doit respecter les règles en matière de vie privée »
« Ce n’est pas parce que c’est un acteur important et que l’impact de leurs décisions est grand que nous devons céder au chantage. Tout le monde doit respecter la législation sur la vie privée. Sans vie privée, pas de liberté », estime Bart Tommelein, le secrétaire d’Etat à la Protection de la Vie privée.
Le secrétaire d’Etat s’interroge sur les raisons qui ont poussé Facebook à prendre cette décision. Si c’est parce que l’entreprise ne peut pas se conformer à court terme au jugement du juge des référés de Bruxelles, Bart Tommelein peut le comprendre, car il s’agit d’une situation temporaire. « Mais s’il s’agit d’un moyen de pression, je le regrette, car ce n’est pas une solution », indique-t-il.
Selon lui, le jugement est clair et doit être respecté. « La vie privée est toujours une question de juste équilibre. J’espère toujours que Facebook arrive à une solution en dialogue avec la Commission pour la Vie privée », conclut-il.
Nouvelle plainte contre Facebook
Par ailleurs, le juriste autrichien Max Schrems a demandé aux commissions de protection de la vie privée belge, irlandaise et allemande d’analyser et de suspendre les transferts de données de Facebook vers les Etats-Unis, a-t-il indiqué mercredi.
M. Schrems mène depuis plusieurs mois une bataille contre le réseau social américain. Selon lui, Facebook ne respecte pas la législation européenne en matière de vie privée en participant au programme de surveillance Prism de la NSA, l’agence de sécurité nationale américaine.
Max Schrems avait remporté un premier succès contre le groupe américain début octobre. La Cour de justice de l’Union européenne avait alors invalidé le cadre juridique (appelé « Safe Harbour ») couvrant le transfert de données personnelles de l’UE vers les Etats-Unis. L’UE tente désormais de parvenir rapidement à un nouvel accord avec son partenaire américain.
Mais le juriste autrichien demande aux organismes en charge de la protection de la vie privée de trois pays de faire respecter cet arrêt du mois d’octobre. La Commission de protection de la vie privée belge en fait partie car Facebook possède un bureau de lobbying à Bruxelles. Le siège européen de Facebook est situé en Irlande. La plainte introduite en Allemagne concerne un bureau du réseau social américain dans le pays.