La productivité est la clé principale de la prospérité, et pendant longtemps elle a été l’atout le plus important de la Belgique. À présent, elle diminue.
La Belgique est connue comme un pays très productif. Nous travaillons dur, et « travailler dur » n’a rien à voir avec le nombre d’heures ou d’années d’activité, mais avec la quantité de travail effectué. La quantité de travail produite en une heure par un employé belge est élevée. Ces dernières années, on a constamment répété qu’il fallait travailler plus longtemps pour conserver notre prospérité – et c’est le cas – mais il est tout aussi important de garder notre productivité à niveau. Et c’est là que la situation tourne mal. En 2016, notre productivité de travail était négative. Toutes les sonneries d’alarme devraient retentir.
« La grande différence entre les pays prospères et fructueux ne dépend pas du nombre d’habitants ou de leurs ressources naturelles », écrivait l’économiste Caroline Ven. « La productivité est la clé principale de la prospérité. » C’est pourquoi l’économiste Bart Van Craeynest consacre un chapitre à la productivité dans son livre Superstaat (Superétat) qui vient de paraître en néerlandais. « Les prochaines décennies, la productivité doit devenir la force motrice principale de la croissance économique », explique le gestionnaire de fortune pour Econopolis. C’est ainsi qu’il faut soutenir notre État-providence. Le Comité d’études sur le vieillissement, qui étudie l’impact de la population vieillissante, compte sur une sérieuse croissance de la productivité pour conserver un État-providence abordable.
La croissance de productivité ralentit depuis des années. Dans les années septante, elle a encore augmenté de 4,7%, mais dans les années nonante, elle a baissé de 1,3%. Entre 2000 et 2014, nous étions à 0,8%. C’était moins que la France et l’Allemagne (1,1%), les Pays-Bas (0,9%) et les quinze pays noyaux d’Europe (1% en moyenne). Ces dernières décennies, notre croissance de productivité a donc non seulement été freinée, mais nous nous en tirons moins bien que les pays voisins.
Et à présent, il y a un choc violent qui fait trembler les fondements de notre État-providence : selon les chiffres de la Banque Nationale de Belgique, la productivité du travail a diminué en 2016. Au lieu de devenir un peu plus productifs, nous avons reculé de 0,3%. Ce chiffre n’était pas encore connu, mais les semaines et mois à venir, notre crise de productivité risque de faire l’objet de nombreux débats.
Les raisons de ce recul devraient faire l’objet d’une étude plus approfondie, mais il y a certainement un lien avec la création d’emplois dont le gouvernement Michel est si fier. En 2016, il y a eu 55 000 jobs supplémentaires, grâce au redressement économique, mais certainement aussi suite à la politique de modération salariale, ce qui a baissé le coût du travail et du recrutement. Cependant, l’activité n’a pas augmenté aussi rapidement que la croissance d’emploi. Et cela pèse sur notre productivité.
Si nous ne voulons pas nous appauvrir, ces prochaines années, la croissance de productivité devra être nettement plus élevée que les 0,4% prédits par la Banque Nationale pour 2017
Certains espèrent que nous atteindrons à nouveau une productivité élevée grâce au progrès technologique, aux voitures autonomes, à l’intelligence artificielle, à l’impression 3D, à la robotisation, etc. Ce n’est pas certain, et nous avons intérêt à ne pas trop y compter, car tous les pays pourront en profiter. Il s’agit pour nous de prendre des mesures qui peuvent stimuler notre productivité, car si nous ne voulons pas nous appauvrir, ces prochaines années, la croissance de productivité devra être nettement plus élevée que les 0,4% prédits par la Banque Nationale pour 2017.
Nous obtenons de mauvais résultats en matière d’innovation, par exemple. Nos autorités, universités et entreprises devraient investir davantage en recherche et développement. Il faut créer un meilleur climat pour les entrepreneurs débutants, car eux aussi gonflent la productivité. Les embouteillages gigantesques, nos transports publics lamentables et l’infrastructure vétuste minent notre productivité et il est grand temps de s’en occuper.
Dans son livre, Van Craeynest cite la Commission européenne, qui dit que la Belgique peut augmenter son activité économique de 20% en cinq ans, à condition d’instaurer une série de réformes. La mauvaise nouvelle, c’est que les résultats sont mauvais dans de nombreux domaines. La bonne, c’est que parmi tous les pays européens, nous disposons du plus grand potentiel pour augmenter l’activité économique. Et c’est primordial si nous voulons conserver notre prospérité.
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