Dimanche prochain, dans un hôtel bruxellois, aura lieu le premier salon de l’alya et de l’immobilier. Ce salon est destiné à informer les Juifs des modalités d’une éventuelle « montée » en Israël ou de les éclairer sur un achat immobilier dans l’Etat hébreu.
Après la campagne vidéo sur YouTube « Je suis Juif, dois-je partir ? », on ne peut plus se voiler la face : il y a un malaise chez nos compatriotes juifs.
L’an passé, 250 sont partis en Israël (7.000 depuis la France !) et selon des informations publiées notamment sur ce site, 40% réfléchissent au départ, surtout dans la tranche d’âge la plus dynamique : les 30-40 ans.
La raison ? Une incontestable recrudescence d’antisémitisme ces dernières années et, bien sûr, les événements tragiques liés aux attentats en France et celui du Musée juif au cours duquel des Juifs belges furent tués parce que juifs.
Jusqu’à présent, les pics d’insultes ou d’agressions antisémites correspondaient aux deux conflits récents à Gaza, comme l’a rappelé le président du Centre pour l’Egalité des chances à l’émission Controverses (RTL-TVI – dimanche dernier). Mais ni Merah, ni Menouche, ni Coulibaly ne sont passés par la case Palestine.
On assiste donc à un antisémitisme globalisé, dont il est maintenant admis qu’il a une composante arabo-musulmane substantielle, mais pas forcément directement corrélée au conflit israélo-palestinien.
S’exprimant dans Moustique (25 février 2015), Maurice Sosnowski, président du CCOJB (Comité de coordination des organisations juives de Belgique) rappelle les conclusions d’une enquête de la VUB qui affirmait qu’à Bruxelles, la moitié des élèves néerlandophones musulmans et 36% des élèves d’origine chrétienne se disent antisémites.
Parmi plusieurs incidents, on relève le fait d’un médecin anversois « de souche » qui a récemment refusé de soigner une patiente juive. Dans les cours de récré, « Feujs » (Juifs) est depuis longtemps une insulte « courante », mais aussi dans les familles comme l’a rappelé avec humour le réalisateur Ismaël Saidi (il a raconté à Controverses que s’il traite son père de Juif, celui-ci ne lui parle plus pendant 2 mois).
Quant à l’extrême-droite, si elle a mis momentanément la sourdine à ses sentiments antisémites et lui préfère l’arabophobie, elle pourrait se réveiller.
Résultat : dans notre pays, en raison de l’application du principe de précaution, la vie communautaire est devenue difficile : chacun a pu voir des militaires armés placés devant les principales synagogues et les centres culturels juifs. Depuis longtemps, les scouts juifs évitent certains quartiers. J’ai de nombreux amis juifs qui commencent à taire leur origine pour des raisons de sécurité ou simplement pour « être tranquilles ».
Nous, non-Juifs, tombons souvent des nues en apprenant que ce nouvel antisémitisme a démarré au moins au début des années 2000. N’étant pas directement concernés, on s’imagine toujours que les Juifs voient des antisémites partout… Mais on ne peut plus se cacher derrière son petit doigt.
Heureusement, nous ne sommes pas dans les années 30. Le Premier ministre Michel a rappelé, lors de la commémoration des 70 ans de la libération des camps de concentration, que « la Belgique sans Juif n’est pas la Belgique » comme son alter ego Manuel Valls. Mais il a avoué parallèlement que « la lutte contre l’antisémitisme a échoué » dans notre pays.
Il faut dire que les solutions pratiques ne sont pas légion. Tôt ou tard, les militaires rentreront dans leurs casernes. Il faut bien sûr continuer à miser sur le dialogue, l’éducation (certains parlent de « rééducation ») et il faut creuser cette idée de cours religieux oecuméniques rassemblant chrétiens, juifs et musulmans.
Mais pas sûr que cela suffira à dissuader nos compatriotes de confession juive de partir à l’étranger. Israël leur tend la main (le gouvernement tente de dégager 120 millions d’euros pour accueillir les Juifs français, danois et belges). Là-bas, malgré d’autres types de menace (Hamas, Hezbollah, Iran, etc.), un coût de la vie presque rédhibitoire et trois ans de service militaire, l’identité juive peut se vivre à 100%.
Maurice Sosnowski (qui est aussi médecin : il est chef du Service d’anesthésiologie à Bordet), a l’habitude d’utiliser la métaphore du canari de la mine qui s’arrêtait de chanter à l’approche du grisou : quand les Juifs partent, c’est souvent annonciateur de certains bouleversements.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici