Marc Mayer
La laïcité de l’Etat (et de l’école) doit être bien comprise
Le régime de relations entre Etat et religions qui prévaut en Belgique se qualifie comme « indépendance réciproque ». L’Eglise n’intervient pas directement dans les affaires de l’Etat et réciproquement.
La société évolue, évidemment, la liberté de pensée existe clairement et les prescrits religieux, s’ils sont importants, ne concernent plus directement la vie d’une société sécularisée, pluraliste qui plus est. On peut comprendre que notre vision de rapports entre le religieux et l’Etat soit vu comme un régime de laïcité même si cette dernière ne figure pas telle quelle dans notre Loi fondamentale.
C’est aussi un régime très « séparatiste ». On parle de pilarisation et on sait, historiquement, que si les libéraux reconnaissaient un culte c’est parce qu’il rendait de services à la population pendant que les cléricaux y voyaient une compensation par rapport à la spoliation des biens de l’Eglise (révolution française). Pendant plus de deux siècles, ce principe de séparation Eglise/Etat a été détourné par un clivage politico-religieux qui a profondément divisé le pays. Il a trahi l’esprit du constituant et permis à l’Eglise de tirer un profit considérable des largesses offertes par le système belge de régulation du religieux, en particulier dans le domaine scolaire.
La sécularisation de la société s’est marquée par une série de symboles assez récents : le vote de la loi sur l’IVG, la dépénalisation conditionnelle de l’euthanasie, la création de Comité consultatif de bioéthique, de reconnaissance des droits des homosexuels qui ont fait de la Belgique un pays très progressiste. Ces lois ont montré que la Belgique s’est détachée de la morale chrétienne. Faut-il parachever la laïcisation et de retrouver l’esprit des pères de notre Constitution !
Il faut bien relire l’histoire. Seuls les Etats-Unis avaient été plus loin que nous dans la séparation de l’Eglise et de l’Etat qui avions pourtant précédé la France de sept décennies grâce au consensus entre catholiques et libéraux… Les libéraux ont rejeté toute forme de concordat là où les catholiques entendaient que l’Eglise ne revive plus la tutelle de l’Etat, tantôt joséphiste tantôt gallicane, etc.
La révolution de 1830 fut politique et religieuse
Je partage le point de vue de Jean-Philippe Schreiber (La Belgique, État laïque… ou presque. Du principe à la réalité- Editions espace de libertés) qui pense qu’il est erroné de parler de séparation mitigée ou de neutralité; notre Constitution est et reste laïque… Comme le montrent des débats récents, les temps sont mûrs pour aller jusqu’au bout… Mais dans un cadre pluraliste et donc multiculturel.
Un réseau scolaire unique entraînerait d’importantes économies d’échelle et remettrait la pédagogie au coeur de l’école
Il s’agit d’une volonté de mettre fin à toute une série d’archaïsmes : la révision de certains symboles qui associaient de près une religion à l’espace public (le protocole officiel ne peut plus favoriser le culte catholique). Il faut abandonner le Te Deum, ne plus se référer à des fêtes religieuses pour qualifier les vacances scolaires, abandonner le financement direct des cultes, revoir le pacte scolaire en supprimant les cours de religion et de morale (tout en développant le sens critique des élèves, leur libre arbitre sans ignorer notre patrimoine religieux commun et reconnaître le fait religieux).
Pousser cette logique jusqu’au bout signifie, pour moi, restaurer l’autorité de l’Etat.
Le Pacte scolaire a fait de l’enseignement libre un service public fonctionnel. A ce titre il est davantage choyé que l’officiel. Un réseau unique entraînerait d’importantes économies d’échelle et remettrait la pédagogie au coeur de l’école.
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