La guerre Nordpresse versus Sudpresse
Depuis la semaine dernière, c’est la guerre ouverte, par réseaux sociaux et médias traditionnels interposés, entre le site humoristique Nordpresse et le groupe Sudpresse. Avec à la clé, plaintes en justice. Récit de la bataille.
Début de semaine dernière, Sudpresse publiait un article affirmant que le père d’un des kamikazes du Bataclan tenait un commerce à Liège. De quoi faire sortir de ses gonds Vincent Flibustier, fondateur de Nordpresse : « C’est profondément dégueulasse » commente celui qui est aussi chroniqueur quotidien de l’émission C’est presque sérieux, sur la Première. « En quelques clics, j’ai retrouvé l’adresse exacte de ce monsieur. Qu’en peut-il si son fils est un crétin ? Je ne vois vraiment pas l’intérêt de l’exposer à la vindicte populaire. » En réaction, Flibustier diffuse un article sur son site, agrémenté de la précision « vraie info » et intitulé « La journaliste qui a écrit ce torchon habite Amay « .
Très vite, Vincent Flibustier reçoit un coup de fil de Rodolphe Magis, responsable liégeois de la rédaction Sudpresse. Ce dernier demande le retrait immédiat de l’article révélant l’identité et la photo de sa journaliste. Vincent Flibustier refuse, enregistre la conversation et la poste sur son site. Contacté par nos soins, le rédac-chef de Nordpresse déclare : « Ils veulent la guerre ? Ils l’auront. »
Il annonce dès lors, sur les réseaux sociaux, son intention de porter plainte pour la Une de Sudpresse du 24 février, titrée Invasion de migrants ; la côte belge menacée ! Il se rend au commissariat, vendredi dernier, et publie sur le web le procès-verbal de sa plainte accusant Sudpresse d’incitation là a haine tout en incitant les internautes à en faire de même. La Toile s’emballe. Interpellé par la RTBF, Michel Marteau, rédacteur en chef de Sudpresse, répond ne pas être au courant de cette plainte et maintient la ligne éditoriale de son groupe.
« Mon action se veut de salubrité publique », insiste Vincent Flibustier : « Sudpresse reste un média largement subsidié, mais qui ramasse à longueur de temps des plaintes au Conseil de Déontologie journalistique. Il est souvent condamné, mais les avis sont publiés de manière très discrète, trop à mon goût. »
Pourtant, Nordpresse n’est pas exempt de tout reproche. Ses articles, comme le récent Les célibataires devront accueillir un migrant laissent place à une confusion engendrant un populisme tout aussi regrettable que celui qu’il condamne. « Je l’assume », se défend Vincent Flibustier. « Je ne suis pas irréprochable, loin de là. Mais moi, je ne touche pas un balle de l’Etat, je ne prends rien à personne, et comme je n’ai pas de carte de presse, je n’ai pas de déontologie à suivre. »
Ce dimanche midi, dans l’émission dominicale de la RTBF Les Décodeurs, il était annoncé que Michel Marteau avait chargé ses avocats d’envisager une plainte contre Nordpresse. Cette action ne fait que renforcer la motivation de Vincent Flibustier, qui alimente son site d’attaques frontales envers Sudpresse et clame : Nordpresse porte plainte contre Sudpresse, Sudpresse porte plainte contre Nordpresse. Vive la Belgique ! Ça va être amusant.
Parallèlement, des voix se sont élevées sur la Une polémique des journaux populaires du groupe Rossel. Un formulaire en ligne, déjà tout préparé, a été partagé, notamment via le Réseau Adès. Il a pour objectif de déposer une plainte facilement contre Sudpresse. Samedi matin, André Linard, secrétaire général du Conseil de Déontologie Journalistique, estimait que près de 450 courriels lui avaient été envoyés dans ce but. Une première, selon lui, dans l’histoire de ce comité d’autorégulation.
Une victoire, déjà, pour Vincent Flibustier. Au parcours singulier : « J’ai fait trois mois à l’Université Catholique de Louvain. Je voulais devenir journaliste,donc je me suis inscrit en communication. Mais j’avais l’impression d’être entouré de débiles et ça ne m’intéressait vraiment pas. Du coup, j’avais créé un petit site pour me moquer des étudiants où je collectais les commentaires les plus débiles. Comme je mettais les noms des gens, j’ai été convoqué chez le vice-recteur, il m’a demandé de retirer les commentaires du site et de faire mes excuses publiques. J’ai refusé et j’ai été viré. » Flibustier se définit comme un autodidacte. « À la base, Nordpresse, c’était une grosse blague, puis j’ai vu que ça pouvait rapporter. J’ai compris qu’on pouvait professionnaliser la blague. » Aujourd’hui, il vit de son activité complémentée par son poste de chroniqueur dans C’est presque sérieux. Avec plusieurs centaines de milliers de vues mensuelles, Nordpresse est suivi par plus de 77 000 internautes, dont une grande partie située en France.
Mike Pops
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