L’oeuvre de la semaine: un dessin de Jean Bedez, entre passé et présent
De grand format, ce dessin réalisé par le presque quadragénaire français Jean Bedez, relève d’un beau et patient savoir-faire.
Le trait est précis mais peut aussi se faire discret, allusif, disparaître sous l’effet d’une lumière qui n’est que celle des fonds blancs du papier. Tout en nuances de gris et de grisailles, il joue la carte de l’apparition davantage que celle de l’affirmation. Pourtant, l’espace est bel et bien orchestré en ses profondeurs savantes afin d’y inscrire, comme dans la tradition de la Renaissance, une scène de théâtre avec son décor et ses acteurs. Dans ce cas, deux taureaux qui s’affrontent dans le hall de marbres et de stucs d’un grand hôtel. Aussitôt, on songe au monde cinématographique, à la Dolce Vita, à Coco avant Chanel voire à l’inquiétant Shining. Dans le dessin, on chercherait en vain la présence de spectateurs. Aux bruits de sabots et de raclements du sol attendus, il impose le silence qu’un halo de lumière irradiant amplifie. Demeurent les animaux dont l’immatérialité du rendu gomme la masse et les menaces. L’oeuvre nous emporte dans l’atemporalité littéraire que proposent les récits mythiques. Dieu des orages à Babylone, terrible Moloch des Phéniciens, Minotaure à Cnossos, taureau des corridas, il est aussi l’image du tyran dans le Guernica et celui du créateur dans les autoportraits de Picasso. Jean Bedez est un artiste lettré qui renoue avec la peinture savante des peintres du XVIe siècle. Ses « figures » sont des allégories porteuses de sens et ici, en final, du combat éternel entre deux habitants de l’esprit que le taureau, dans ses diverses fonctions antagonistes, symbolise.
Bruxelles, Galerie Albert baronian. Rue da la Concorde, 33B (1050). Jusqu’au 24 octobre. Du Ma au Sa de 12 à 18heures. www.albertbaronian.com
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