Nicolas Vadot

« Le plus dur, c’est d’être tué par des cons »

Nicolas Vadot Dessinateur

Mercredi 7 janvier 2015, au moins douze personnes sont mortes, dont cinq de mes collègues dessinateurs, dans l’attaque de la rédaction de Charlie Hebdo. Parmi eux, Cabu et Wolinski avaient compté parmi ceux qui m’avaient donné envie de faire ce métier, il y a plus de 20 ans. Des monstres sacrés.

J’allais rencontrer Charb pour la première fois dans deux semaines, pour une conférence sur la liberté d’expression, à l’occasion d’un débat où nous étions tous deux invités.

Tignous, je le connaissais personnellement. Tous deux étions membres de Cartooning for Peace, l’association créée par Plantu et Koffi Annan – alors secrétaire général de l’ONU – à la suite de l’affaire des caricatures de Mahomet en 2006.

Nous discutions encore, avec lui et d’autres, il y a moins d’un an, de l’avenir de l’association Cartooning for Peace, dont le but premier était de « désapprendre l’intolérance ».

Tignous était un type sympa, bourré de talent, qui ne haïssait personne et respectait les autres, et qui avait toujours ce sourire en coin que nous, dessinateurs de presse, tentons de transmettre chaque matin à nos lecteurs.

Ce qu’ont fait les tueurs du 7 janvier 2015 – une date qui aura dans les livres d’histoire le même impact que le 11 septembre 2001 – c’est essayer de tuer l’innocence. L’innocence du dessin, un art pratiqué par tout être humain avant qu’il ne se construise sa carapace d’adulte.

Le dessin est une autoroute vers l’inconscient, et le dessin politique est là pour rappeler aux adultes qu’ils furent jadis des enfants, avant de s’embrumer le cerveau et le coeur de tant de combats vains ou de fanatisme ignoble. Et c’est pour ça qu’il dérange, car il nous rappelle à nous-mêmes.

Le dessin de presse est l’innocence de l’ironie, l’innocence de la candeur et l’innocence de la satire, rappelant en permanence à tous les puissants la célèbre phrase de Montaigne : « Si haut qu’on soit placé, on n’est jamais assis que sur son cul. »

En tirant sur tout ce qui bougeait à la rédaction de Charlie Hebdo, ces abrutis encagoulés se sont aussi tiré une balle dans le pied : ils n’ont fait que renforcer la soif de liberté et de démocratie chez chacun et chacune d’entre nous.

Comme aurait pu le dessiner Cabu : « Le plus dur, c’est d’être tué par des cons ».

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