Soraya Ghali
Enseignement supérieur : là où tout se paie
Cette année, la rentrée dans le supérieur s’avère quelque peu chahutée. Un fait plutôt rare dans le monde feutré de l’université.
Ainsi, Bernard Rentier, recteur de l’ULg, plaide pour que tous les étudiants soient soumis à un test d’aptitude permettant d’évaluer leur niveau. « Si le niveau de l’étudiant est vraiment trop faible, l’idée est de lui présenter des possibilités de formation plus complète qui ne serait pas simplement faire son premier bac et échouer. » C’est-à-dire ? L’idée de l’heure est de rendre, dans un second temps, ce test plus contraignant. Exemple : on conseillerait aux étudiants qui ont moins de 6 sur 20 de ne pas commencer tout de suite, mais de passer par une année préparatoire (qu’il faudra donc mettre en place). « C’est une vieille idée : on parlait déjà il y a une quinzaine d’année. »
Bernard Rentier a-t-il franchi une ligne rouge ? Certains, notamment du côté étudiant, y ont vu une brèche dans le principe de la non-sélection. En coulisses, et chez les recteurs, il est nettement plus discuté : il y a une pression pour que le test de médecine (obligatoire et non contraignant) serve de modèle.
Leurs propos recoupent une froide réalité : en 1ere bac, l’échec atteint les 60 %, et ce taux ne varie pas ces dernières décennies. Et ce taux d’échec occulte d’autres causes plus dérangeantes.
Un : le diplôme d’école secondaire est censé être de valeur identique. Or, il suffit de se plonger dans les statistiques pour constater que d’une école à une autre, l’écart est grand. Le niveau secondaire avancera volontiers que sa mission, formellement, n’est pas de préparer les élèves à devenir des étudiants et que cette mission revient à l’enseignement supérieur. Un chiffre : moins de 25 % des élèves qui sortent du secondaire entrent à l’unif.
Deux : l’enseignement supérieur a raté le plus grand défi qu’il s’est jamais posé : la démocratisation scolaire. On a « massifié » – les amphis et les hautes écoles craquent -, mais la réussite reste trop déterminée par l’origine sociale. Le fait est si évident – les enfants d’ouvriers ne sont que 12 % à l’université -, si démontré, si dénoncé, qu’il suscite souvent des haussements d’épaules.
Trois : se pose alors la question de l’accueil des jeunes dans les hautes écoles et universités et de leur accompagnement en début de parcours. Des initiatives sont prises mais elles ne sont pas généralisées. Des cours de remédiation ne sont pas organisés, faute de candidats : les étudiants ont tendance à éviter le non-obligatoire.
Comment arrêter l’hécatombe ? Faute de consensus là-dessus, les universités, ainsi que des hautes écoles, ont développé des « parades » en offrant tests, remédiations, coachings… Ce ne sont là que des « parades » : si le taux d’échec en 1ere bac est de 60 %, on peut donc prédire que 60 % des étudiants échoueront au test d’aptitudes réclamé par les universités. En ramassant 60 % des 1ere bacs, la remédiation deviendrait donc la norme… Hallucinant quand on sait que l’égalité des chances est bien l’objectif chapeautant les politiques de ces dernières décennies.
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