Enseignement : la « twictée » au secours de l’orthographe
Imaginée par deux enseignants français, la » twictée » permet aux élèves de primaire d’apprendre l’orthographe en utilisant Twitter. » Une très belle expérience « , selon Samira Lkoutbi, seule institutrice belge impliquée dans le projet.
Samira Lkoutbi enseigne à des élèves de 5e et 6e primaire de l’École Fondamentale du Longchamp, à Uccle (Bruxelles). Du haut de ses 18 ans de carrière, elle est ce qu’on pourrait appeler « une institutrice 2.0 » : blog et compte Twitter dédiés à la classe, utilisation de tablettes par les enfants, mais aussi agenda en ligne, vidéos pédagogiques et tableau interactif. Depuis le mois d’octobre, elle s’est également trouvé un « nouveau dada », comme elle se plaît à l’appeler : la « twictée ».
Néologisme mêlant les termes « Twitter » et « dictée », le concept de « twictée » est né en 2013 de l’imaginaire de deux professeurs français, Régis Forgione et Fabien Hobart, alias « les gourous », qui créèrent ensemble le compte @TwicteeOfficiel autour duquel peuvent se regrouper les « twittclasses ». Les « twittclasses » ? « Ce sont tout simplement des classes qui utilisent Twitter », éclaire Samira. Tous les quinze jours, Régis Forgione et Fabien Hobart forment des groupes de trois classes d’un niveau relativement similaire. Débute alors ce que la Bruxelloise qualifie de « très belle expérience ».
Mode d’emploi
« Les enseignants du groupe se mettent d’accord sur une mini-dictée d’environ 140 caractères (le format des tweets, NDLR). Elle est dictée aux écoliers, qui la réalisent de façon traditionnelle, c’est-à-dire avec un stylo et une feuille de papier. Après, je forme des groupes de 2 ou 3 enfants, et ceux-ci négocient entre eux afin de produire une seule twictée par groupe », explique Samira Lkoutbi. Chaque twictée collective est ensuite envoyée à la classe qui se chargera de la correction, la « classe miroir ». Par Twitter, mais en message privé. « Il en va de notre réputation : on ne publie pas de faute en public », justifie Samira, qui reçoit à son tour les twictées du troisième maillon, la « classe scribe ». « On passe alors à l’étape la plus importante : la création collective des twoutils. »
Son principe : produire, ensemble, des mini-règles d’orthographe (« twoutils ») expliquant les erreurs de la « classe scribe ». « C’est le moment où la réflexion orthographique est à son apogée : les enfants doivent repérer les fautes, les identifier puis les catégoriser. Ils sont acteurs et actifs. Cela nécessite tout leur savoir et nous monopolise généralement deux séances. » Ces mini-règles seront, elles, publiées sur Twitter, de sorte que n’importe quel utilisateur puisse les lire. « Il s’agit en fait de la face visible de l’iceberg », symbolise l’institutrice.
Dernière étape : la « twictée » d’évaluation, effectuée deux à trois jours après la réception des « twoutils ». « En fonction du nombre d’erreurs commises, on calcule alors la moyenne de chacun afin de créer une courbe illustrant sa progression. Les élèves préfèrent largement ça au bic rouge de Madame et sont plus rassurés d’être corrigés par des gens de leur âge. »
Vigilance orthographique décuplée
En septembre dernier, comme tous les deux ans (elle alterne cinquième et sixième année), Samira a hérité de nouveaux élèves. Très vite, quelque chose la tracasse. « J’ai rapidement remarqué que leur orthographe était déplorable. Cela faisait deux ans que j’avais créé la twittclasse @Classe_SLkoutbi, sans pour autant m’inscrire aux twictées. » Cette fois, la tentation était manifestement trop forte. En octobre, la classe de Samira devient l’unique du Royaume à faire partie de l’aventure.
Depuis, « ça va mieux », admet-elle. Car la « twictée », ça fonctionne, si l’on en croit son expérience. « Les enfants sont très emballés par le format, beaucoup plus court que pour une dictée ordinaire. En plus de les motiver plus facilement, cela développe chez eux une plus grande vigilance orthographique puisqu’ils se concentrent sur certains points précis, comme l’accord sujet-verbe ou le groupe nominal. Ils y deviennent attentifs même en situation hors dictée, ce qui est rarement le cas avec une méthode classique », assure-t-elle. « En plus, la twictée étant assez ludique, ils apprennent énormément sans forcément s’en rendre compte. » Apprendre en s’amusant, donc.
La Belgique à la traîne
Malgré ces avantages, la Belgique demeure pourtant à la traîne en matière de « twictée », avec à peine deux « twittclasses » (Seneffe et l’Institut de l’Annonciation à Bruxelles) autres que celle de Samira. D’autant plus que ces dernières ne participent pas au « challenge ». « Quand j’en parle autour de moi, les gens s’étonnent, ne connaissent pas. Raison pour laquelle j’ai présenté fin mars le projet au Centre de ressources pédagogiques et de langues de Wavre, et que j’y retourne le 24 avril prochain. Ce serait bien que, pour la saison 3 (l’an prochain, NDLR), nous soyons rejoints par des compatriotes. »
En attendant, elle et ses élèves planchent sur la « twictée » numéro 7. « On a envoyé nos copies en Seine-et-Marne et reçues, en provenance de Metz, celles de la classe de Régis Forgione, justement. Nous les avons déjà corrigées et publierons les twoutils ce jeudi. » Grâce à Twitter, des « twittclasses » québécoises, finlandaises ou togolaises pourront les utiliser afin d’améliorer leur orthographe. Et parfaire leur courbe de progression. (A.V.)
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