Carte blanche
Eddy Caekelberghs: Dérapage journalistique… ou politique?
La mise à pied d’un journaliste, mardi au sein de la rédaction de la RTBF, nous apparaît pour le moins interpellant, a fortiori lorsque l’on apprend que le « commanditaire » de cette mise à l’écart n’est autre que le président d’un parti « démocratique ».
Un message, jugé polémique par certains, a été adressé, lundi soir par le journaliste concerné, à des membres du centre d’action laïque (CAL). Certes.
Mettant fermement en cause la politique migratoire du gouvernement fédéral présidé par le libéral Charles Michel, la missive n’a manifestement pas plu au président du MR, lequel aurait aussitôt joué de son influence auprès de la direction de la chaîne publique.
Faisant suite à l’intervention d’Olivier Chastel, le directeur de l’information Jean-Pierre Jacqmin et l’administrateur général de la RTBF Jean-Paul Philippot ont, sans attendre, suspendu d’antenne le journaliste visé.
Dans l’attente des résultats des investigations ertébéennes, plusieurs questions se posent, en termes de fonctionnement démocratique notamment.
Appartient-il à un président de parti, ou à tout autre responsable politique, d’interférer auprès de sa direction lorsqu’un journaliste, ou tout autre travailleur, est susceptible d’avoir enfreint certaines règles?
Appartient-il à un président de parti, ou à tout autre responsable politique, d’interférer auprès de sa direction lorsqu’un travailleur exprime une opinion de citoyen, soit-il ou non journaliste?
Sans préjuger de quoi que ce soit quant à la pertinence des propos tenus par le journaliste sanctionné et la manière de les avoir communiqués, des règles régissent le fonctionnement de notre démocratie.
Il est certes compréhensible que, au regard du contrat de travail qui les lie, la RTBF puisse réclamer des explications à l’un de ses employés. Mais il est inadmissible qu’une sanction soit infligée à un travailleur par le biais d’un président de parti, sous prétexte que ses pairs auraient été victimes d’une quelconque vexation.
Encore aujourd’hui, la liberté d’expression reste mise à mal dans nombre de pays. Le simple fait de mécontenter les autorités y suffit pour justifier une mise à l’écart, voire des sanctions bien plus graves encore.
Récemment pointée du doigt par Amnesty International, la Turquie, voisine de nos frontières européennes, s’illustre par la répression à l’égard de professionnels de l’information qui osent critiquer l’autorité. Pertes d’emploi, emprisonnements et fermetures d’organes de presse y constituent des moyens privilégiés pour faire taire d’éventuelles contestations.
Si nous n’en sommes heureusement pas là, la vigilance reste de mise.
Par l’élaboration d’une législation adéquate, la responsabilité du politique consiste à assurer à tout un chacun la possibilité d’exercer pleinement son droit d’expression, dans le respect d’autrui.
Le rôle du politique n’est a contrario pas d’influencer untel ou untel en vue de faire taire celles et ceux qui tiendraient des propos divergeant des leurs.
Au nom d’une déontologie journalistique prétendument bafouée, il est inacceptable de sacrifier la déontologie politique…
Christophe COLLIGNON
Député – Vice-président du Parlement de Wallonie
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici