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Derrière le sourire de Rachid Madrane

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Il est jeune, intelligent, bon élève et semblait sur une rampe de lancement. Sa nomination, « loin » de la Région bruxelloise, en a surpris plus d’un. A peine en place, le caractère « léger » de son portefeuille a fait jaser. Portrait.

« C’est un honneur pour moi, fils d’immigrés marocains, d’être ministre, reconnaît Rachid Madrane. Pensez-vous que mon père, ouvrier dans une usine de caoutchouc, avait imaginé cela dans ses rêves les plus fous ? » Saïd rêvait pour ses fils d’une carrière d’ingénieur agronome, lui qui, au Maroc, avait été le chauffeur d’un ingénieur agronome français. A ses yeux, cette profession était une sorte d’idéal d’accomplissement. « Je ne veux pas jouer Cosette, enchaîne Rachid Madrane. Mais mes parents étaient analphabètes. Depuis le berceau, je dois tout aux services publics : à l’école, aux mutualités, aux hôpitaux… Ce qu’on m’a donné, j’ai envie de le rendre. »

Rachid Madrane, 46 ans, n’est pas peu fier de se présenter comme un produit de la méritocratie. De quoi en irriter quelques-uns, qui lui reprochent de trop mettre en scène son histoire. « Rachid est le prince prolétarien. Mais il surjoue cette enfance. On est en politique… », critique une députée libérale. « Un jour, il est l’enfant issu de l’immigration, un autre, il est un citoyen belge à part entière. C’est un peu comme ça l’arrange… » Lui se montre agacé qu’on le renvoie sans cesse à ses origines. « Pour eux (NDLR : les libéraux), je resterai un immigré ! »

« La lutte antiraciste est le point de départ de mon engagement. Ce racisme que mon père vivait tous les jours… » Rachid Madrane prend sa carte au PS en 1985, mais il ne veut être qu’un élu belge, pas le représentant d’une minorité, et incarner une gauche « ouverte et généreuse ». « J’en ai assez de ce procès en communautarisme. Le PS n’est pas le parti des étrangers. Non, il défend tout le monde », répète ce jeune père, marié à une Belge de souche, et laïque affirmé (comme sa « rivale » Fadila Laanan), qui appelle à « un islam conforme aux valeurs qu’on défend, comme la démocratie et l’égalité des hommes et des femmes ». L’actualité, les attentats, la lutte contre le radicalisme ont mis sur orbite le ministre de l’Aide à la jeunesse, qui multiplie désormais les apparitions, alors que ses rares annonces passaient jusqu’ici presque inaperçues.

Rachid Madrane, le transfert de l’année 2014 ! Assuré « à 99 % » de rempiler à la Région bruxelloise, en dernière minute, il apprend que son nom est écarté de la liste du futur exécutif pour lequel il était pressenti, en faveur d’une autre socialiste, Fadila Laanan, une fidèle d’Elio Di Rupo. In extremis, il est envoyé à la Fédération Wallonie-Bruxelles, où tous les portefeuilles d’envergure sont déjà pourvus ou sur le point de l’être. Il devra se « contenter » d’un modeste maroquin. Curieux revirement ? Beaucoup refusent de s’exprimer, mais, en coulisse, on explique que Laurette Onkelinx écope pour avoir trop vite annoncé la formation d’une majorité, sans attendre Paul Magnette. Ce dernier et Elio Di Rupo n’étaient, paraît-il, pas heureux et lui auraient dit : « Ok, on prend Rachid, mais vous allez payer. »

Deux ans après son entrée en fac, en 1988, il rencontre Philippe Moureaux, patron du PS bruxellois. « J’ai directement flashé sur ce type. Il est mon père spirituel. » Il est impressionné par « son éloquence incroyable », « sa grande sagesse » et « sa somme de connaissances ». Couvé par Moureaux, et sans autre expérience que deux années passées à coanimer une émission politique sur Fun Radio, Rachid Madrane intègre le cabinet de l’échevin des Travaux Willy Decourty comme conseiller, et plus tard, celui d’Alain Hutchinson, alors secrétaire d’Etat au Logement, comme attaché de presse. Puis Philippe Moureaux l’appelle à ses côtés, pour assurer sa communication. Il est assez habile pour filer au bon moment dans le giron de Laurette Onkelinx, jouissant ainsi d’une double légitimité, tout en affichant une double fidélité. Payant.

L’intégralité du portrait dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec notamment :

– Sa faculté d’adaptation.

– « C’est lilliputien comme compétence ! »

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