Coronavirus : pas simple pour les enfants du divorce

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Epidémie oblige, les audiences de justice sont renvoyées après le 19 avril. Particulièrement compliqué pour les dossiers en droit familial. Surtout, comment vont circuler les enfants du divorce entre leurs parents en cas de confinement, attendu ces prochaines heures ou jours ? Des avocates nous livrent leurs inquiétudes et celles de leurs client(e)s.

Maëlle est un grande ado. Ses parents sont divorcés depuis pas mal d’années, mais n’ont jamais vraiment réussi à enterrer la hache de guerre. Avec le coronavirus, elle voudrait rester chez sa mère, d’autant que la nouvelle compagne de son père et le fils de celle-ci toussent beaucoup depuis quelques jours. Ça l’inquiète. Mais son père n’en démord pas. Il refuse d’abandonner son tour de garde. Une situation parmi de très nombreuses autres dans une société où les parents séparés sont devenus la norme…

Le confinement qui s’annonce rendra ces situations familiales encore plus compliquées pour les enfants du divorce ou certains d’entre eux, en tout cas. « J’ai encore reçu, ce matin, plus de 25 mails de parents qui demandent ce qu’ils doivent faire si le gouvernement impose le lockdown, témoigne une avocate liégeoise. Ils s’inquiètent de ne plus voir leur enfant pendant un mois. Je vais écrire un courrier à la première présidente du tribunal dans l’espoir qu’elle puisse donner des directives ». Ce n’est pas gagné.

Les gardes alternées vont inévitablement poser problèmes. Pourra-t-on toujours s’échanger les enfants, en cas de confinement ? Et, si non, quid si la mesure tombe lorsqu’un enfant se trouve chez un parent qui n’en a la garde que deux jours par mois ou un week-end sur deux parce que le juge a estimé qu’il avait moins de capacité éducationnelle que l’autre parent ? « Je n’ose pas l’imaginer, surtout quand je lis déjà, sur les réseaux sociaux, les messages de panique des parents séparés ou non qui ne savent ce qu’ils vont faire avec leurs enfants pendant un mois à la maison », nous dit l’avocate liégeoise à qui des mères écrivent qu’elles n’osent pas rendre leurs enfants à leur père, craignant que le confinement soit bientôt décrété.

Pas facile le bon sens, dans un climat déjà anxiogène

Par ailleurs, en cas de conflit actuel entre les parents pour des questions de garde ou de pension alimentaire, que faire si les jugements sont remis ? « On pousse les justiciables à envisager une solution négociée et à faire preuve de bons sens, mais ce n’est pas possible dans tous les cas, surtout dans le climat anxiogène actuel », nous raconte une avocate bruxelloise dont une cliente est déjà assaillie de SMS par son ex-conjoint qui veut récupérer les enfants parce qu’elle a organisé un tour de garde avec ses deux voisines, pour pouvoir continuer à travailler.

Reste la possibilité d’introduire un référé, toujours possible à l’heure actuelle. « Mais vous imaginez le chaos si l’on doit envisager ce genre de procédure pour tous nos dossiers ? Car tous nos clients estimeront bien sûr que leur situation constitue une urgence », s’inquiète une autre avocate du barreau liégeois qui conseille aux parents de se mettre d’accord pour savoir qui gardera les enfants pendant le lockdown quitte à compenser plus tard le temps passé par l’un des deux sans ses ouailles.

Pour les litiges en matière de pension alimentaire, le report des jugements complique aussi les choses. Le Collège des cours et tribunaux préconise les procédures écrites, envisageables pour ces matières financières, pour autant que les parties et leurs avocats soient d’accord. « Dans certains de ces dossiers, les justiciables ne sont pas représentés par un conseil, constate un avocat de Namur. Cela sera plus compliqué… » Mais il risque d’y avoir un engorgement auprès de tribunaux déjà saturé.

En outre, il faudra tenir compte des situations des débiteurs de pension alimentaire, lorsque ceux-ci sont indépendants, par exemple, et obligés par la crise du Covid19 d’arrêter toute activité pendant plusieurs semaines. Des cas pas simples à trancher. Bref, les enfants du divorce risquent de souffrir plus les autres du Corona… « Il faut les rassurer et privilégier leur intérêt, avant tout », conseillent tous les avocats que nous avons joints.

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