Ces 30 dernières années, la Belgique a perdu 43 fermes chaque semaine
Ce vendredi 17 avril est la « journée mondiale des luttes paysannes ». Depuis 1985, la Belgique a perdu en moyenne 43 fermes chaque semaine. Comment, dès lors, préserver l’agriculture locale pour garder le contrôle sur notre alimentation ?
En 30 ans, la Belgique a perdu 63% de ses fermes, principalement celles d’une superficie de moins de 5 hectares, la superficie moyenne par ferme a plus que doublé. Ces petites exploitations qui disparaissent sont justement celles qui se destinent à une consommation locale. Corentin Dayez, le porte-parole du Réseau de Soutien à l’Agriculture paysanne, une structure informelle réunissant diverses ONG et syndicats agricoles, tire un sombre constat de l’activité agricole en Belgique: « La taille des exploitations s’est agrandie, mais pour mieux s’intégrer dans des systèmes de production à la logique industrielle et exportatrice. Résultat : nous devenons de plus en plus dépendants d’une production à grande échelle non européenne. » Face à ce constat alarmant, le réseau plaide pour une agriculture paysanne garantissant une alimentation de qualité et allant à l’encontre du « modèle productiviste ». Pour Stéphane Desgain, de l’ONG CNCD 11.11.11., la compétition dans le secteur de l’agriculture avec d’autres pays est vaine. « La compétition, la spécialisation et la mécanisation représentent un modèle du passé« , résume-t-il, tout en soulignant les conséquences négatives des crises touchant les secteurs du lait ou de la poire.
Recréer « un lien de confiance entre les propriétaires et les fermiers »
Pour sortir d’une logique productiviste et de compétition « qui impose aux agriculteurs de s’agrandir », et d’investir sans cesse, conduisant à leur endettement, Stéphane Desgain plaide pour « un partage de la terre ». Dans cet esprit, il prône la mise en place d’un observatoire du foncier et d’une « banque foncière » censés favoriser l’accès à la terre, et plus particulièrement pour les jeunes agriculteurs. Cette structure wallonne doit répertorier les données cadastrales, la disponibilité des biens, le prix des terres et l’identité des acquéreurs face à l’opacité actuelle et à la spéculation foncière à l’oeuvre sur les terres agricoles. Car en 10 ans, de 1995 à 2006, le prix moyen d’un hectare de terre agricole belge a été multiplié par trois, de près de 9.300 euros à plus de 27.000 euros. Le réseau fait aussi remarquer qu’au cours de ces 25 dernières années, l’équivalent de 3.000 terrains de foot est urbanisé en moyenne chaque année en Wallonie.
Les deux associations plaident également pour une réforme du bail à ferme en Wallonie qui permette de recréer « un lien de confiance entre les propriétaires et les fermiers ». « Actuellement, les baux se succèdent et au final, on ne sait plus à qui appartiennent les terres. Il y a aussi un conflit de générations entre les vieux fermiers et la nouvelle génération. Il faut recréer un lien entre la terre et l’agriculteur pour le marché local, ce qui n’est pas possible avec la concentration grandissante des exploitations « , surenchérit Stéphane Desgain. « Une exploitation de 80 hectares, c’est beaucoup trop grand, il faut revenir à un modèle plus familial et durable« , rajoute-t-il. Et à ceux qui doutent de la rentabilité d’une petite exploitation, il répond qu’une ferme de 10 hectares peut déjà être viable.
A l’avenir, la préservation de l’agriculture locale destinée à « une consommation alimentaire locale, saine et durable » passera donc par les circuits courts et la lutte contre la désaffectation des terres agricoles. Une autre solution avancée par le Réseau de Soutien à l’Agriculture paysanne est la réappropriation des terres par le citoyen, et notamment par des initiatives comme la coopérative Terre en Vue qui favorise l’accès à la terre en développant une économie agricole locale et durable tout en créant des liens entre les agriculteurs et les consommateurs.
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