« Depuis des décennies, la surconsommation dans les soins de santé et la fraude sociale mettent la sécurité sociale à rude épreuve » écrit notre confrère de Knack Ewald Pironet. « Et nous en sommes nous-mêmes responsables ».
« Il y a trop de réfugiés, disent les gens. Il y a trop peu de gens, disent les réfugiés ». Ces paroles du poète autrichien Ernst Ferstl hantent l’esprit quand on voit les longues files de réfugiés qui se présentent quotidiennement à l’Office des Étrangers. Comme il n’y a pas suffisamment de personnel, les réfugiés sont priés de revenir le « lendemain » ou le « surlendemain » et doivent passer la nuit à la belle étoile. L’Europe est confrontée depuis des années à une crise de réfugiés, mais ne réussit toujours pas à accueillir ces personnes désireuses de laisser la guerre et les violences derrière elles. Et à mesure que les files s’allongent à Bruxelles, le débat politique s’aigrit. De plus en plus, on prétend que la venue de ces réfugiés met notre sécurité sociale en danger.
On sait que la N-VA et les libéraux souhaitent réformer la sécurité sociale. Celle-ci sert trop souvent de hamac, et pas de filet, disent-ils, et on en profite trop. C’est justement ce mot « profiter » que le président de la N-VA Bart De Wever a prononcé dans l’émission de la VRT Terzake. Il a parlé de réfugiés reconnus qui, selon le droit européen, ont droit à un revenu minimum, un logement social et des allocations familiales. Pour lui, il faut réfléchir à un statut social séparé présentant moins d’avantages pour les réfugiés reconnus.
On pourrait s’attendre de la part de politiques qu’ils expliquent à la population qu’on ne peut abandonner les gens qui fuient la guerre et qu’ils ont droit à un dispositif minimum. Après la Première et la Seconde Guerre mondiale, il ne pourrait plus y avoir de doute à ce sujet. Cependant, le mot « profiter » sème justement le doute.
La présidente de l’Open VLD, Gwendolyn Rutten, a déclaré ce lundi sur Radio 1 « qu’il ne suffit pas de dire (aux réfugiés) : « Pauvre bougre, voilà de l’argent. Débrouille-toi maintenant. (…) La migration entraîne des droits et des devoirs ». C’est évident, mais en formulant sa phrase de cette façon, la libérale suggère que ces devoirs seraient inexistants ou que les réfugiés y échapperaient. Ce n’est pas le cas : comme tout le monde, les réfugiés reconnus doivent respecter un certain nombre de devoirs pour pouvoir bénéficier de notre sécurité sociale. Et ceux qui les négligent, sont tout autant sanctionnés.
Surconsommation dans les soins de santé et fraude sociale
Qui plus est, une étude dirigée par Johan Wets (KULeuven) et Andrea Rea (ULB) sur la situation des réfugiés sur le marché de l’emploi pendant la période 2001-2010, révèle que « la recherche de travail est longue et pénible » mais qu’un grand nombre d’entre eux finissent par trouver un emploi ». Ils soulignent qu’il faudrait davantage de cours de langue et simplifier les procédures de reconnaissance de diplômes étrangers et d’expérience. Il s’agit là d’une tâche intéressante pour nos politiques. Près de 40% des personnes arrivées en 2002 travaillaient en 2010. Seuls 25% des réfugiés reconnus, surtout des mères célibataires, dépendaient d’une indemnité sociale. L’étude démontre que les réfugiés contribuent à notre société et à notre sécurité sociale.
En suggérant que les réfugiés reconnus « profitent » de notre sécurité sociale, en laissant entendre que les réfugiés reconnus n’aspirent qu’à de « l’argent » et manquent à leurs devoirs, on ne pourrit pas seulement le débat sur les réfugiés, mais également la discussion sur notre sécurité sociale. Cependant, ce ne sont vraiment pas les réfugiés qui viennent saper notre sécurité sociale. Depuis des décennies, la surconsommation dans les soins de santé et la fraude sociale mettent la sécurité sociale à rude épreuve. Et nous en sommes responsables.
Ceux qui suggèrent que notre système social ploie sous l’afflux des réfugiés se rendent coupables de populisme infâme
Si aujourd’hui la sécurité sociale craque de partout, c’est surtout suite au vieillissement qui pèse lourdement sur les pensions et les coûts des soins de santé. On met en garde contre cette hausse depuis les années 1970, mais ce sont nos politiques qui ont négligé de constituer les réserves nécessaires. Ceux qui suggèrent maintenant que notre système social ploie sous l’afflux des réfugiés se rendent coupables de populisme infâme.
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