Amedeo, Charles Michel et l’entourloupette politico-royale
Le prince Amedeo obtient un feu vert « préalable » du Roi à son mariage seize mois… après ses épousailles. L’artifice qui le rend à nouveau successible met le Parlement sur la touche. Le Premier, Charles Michel, couvre l’irrégularité.
L’affaire fut rondement menée, comme il se doit pour un tour de passe-passe. Quelques lignes ramassées en un unique article d’un arrêté royal, et le tour était joué. Amedeo, fils de la princesse Astrid et du prince Lorenz, décroche sans anicroches le consentement du roi Philippe à son mariage avec Elisabetta Maria Rosboch von Wolkenstein.
L’heureuse nouvelle date un peu. Quoique : quelques dates valent mieux qu’un long discours pour resituer l’embrouille. 5 juillet 2014 : Amedeo se marie. 20 septembre 2015 : Amedeo s’avise de demander formellement le consentement du roi Philippe, son oncle, au mariage célébré quatorze mois plus tôt. 12 novembre 2015 : un arrêté royal, contresigné par le Premier ministre, Charles Michel (MR), et le ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V), avalise le consentement royal en « faisant comme si » le royal feu vert produisait ses effets depuis le 4 juillet 2014, la veille dudit mariage. 24 novembre 2015 : parution au Moniteur belge de l’arrêté royal pour parachever le processus.
Sauvé : le prince peut ainsi réintégrer l’ordre de succession au trône, à une modeste sixième place qu’une inexplicable « distraction » lui avait fait perdre. Car en « omettant » de demander le consentement royal préalablement au mariage, Amedeo s’infligeait la déchéance de ses droits à la Couronne, ce qu’aucun juriste du Palais n’avait manifestement relevé à temps.
Si tout rentre dans l’ordre, tout n’est pas en règle. Il manque une étape, et de taille, pour que cette formalité soit juridiquement valable : l’accord des deux Chambres, passage obligé pour rendre le prince successible. Qu’à cela ne tienne : le consentement du Roi avec effet rétroactif doit permettre de contourner l’obstacle.
Le Roi, couvert par Charles Michel, court-circuite les Chambres et viole la Constitution
Foi de constitutionnaliste, l’entorse au prescrit constitutionnel est aussi flagrante qu’inédite. « En adoptant après le mariage un arrêté royal et en lui donnant une portée rétroactive, le Roi court-circuite l’obligation de recueillir l’assentiment des Chambres et viole la Constitution. Selon moi, l’arrêté royal du 24 novembre 2015 n’est pas conforme à la Constitution et, en conséquence, Amadeo n’est pas successible », souligne le professeur de droit constitutionnel Marc Verdussen (UCL).
Ce genre d’états d’âme laisse parfaitement froid le Premier ministre. Il a fallu que la députée N-VA Veerle Wouters, chargée de réactiver le fonds de commerce anti-belgicain de son parti, titille Charles Michel sur la question. Réponse laconique : « Par l’arrêté royal du 12 novembre 2015, le Roi a accordé son consentement au mariage du prince Amedeo. Le consentement produit ses effets le 4 juillet 2014. » La sécheresse du propos trahit un certain embarras. Sa vacuité un embarras certain.
Fallait-il déclencher tout un barnum pour un enjeu aussi insignifiant que remettre en selle un prince qui n’a que d’infimes chances de monter sur le trône ? Inutile de déranger les Chambres pour si peu, de rameuter députés et sénateurs, de braquer la famille royale sous les inévitables feux des projecteurs médiatiques. Mieux valait aussi épargner aux élus N-VA, loyauté gouvernementale oblige, la douloureuse épreuve de devoir prêter leur concours à cette « régularisation » royale, sous les quolibets du Mouvement flamand. Voilà Charles Michel bien mal récompensé de ses efforts par cette question vicieuse de la députée Wouters.
« L’irrégularité du procédé suivi se double d’une maladresse politique de la part du Roi et du gouvernement fédéral », persiste Marc Verdussen. Le respect de la Loi fondamentale en fait les frais. Un moment de honte est vite passé. l
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